À l’occasion du lancement de notre nouvel ensemble de vélo Altitude Sports x Garneau, nous avons eu la chance de rencontrer Louis Garneau. On en a profiter pour poser quelques question à cet athlète de renommée internationale, maintenant à la tête de la plus ancienne marque de vêtements de vélo d’Amérique du Nord.

 

Q. Comment êtes-vous passé de cycliste à la fabrication de produit?

LG : J’ai commencé à faire de la course lorsque j’avais 12 ans et j’ai arrêté après les Jeux olympiques lorsque j’avais à peu près 25 ans. J’ai toujours aimé fabriquer des choses. J’ai suivi un cours en Arts plastiques, c’est ce que j’aimais le plus à l’école. Je m’intéressais à la peinture, à la sculpture, à la fabrication de meubles en bois et aux antiquités. En 1982, ma copine et moi, on voulait se marier et je voulais donc avoir un emploi plus stable que le vélo et les arts. C’est là que j’ai pris la décision de commencer à fabriquer des vêtements de cyclisme. Monique était très bonne en couture et pour ma part, je connaissais les besoins en termes de vêtements pour cyclistes. Grâce mon cours en Arts, j’étais capable de dessiner. On a commencé à fabriquer des cuissards. On a acheté du Lycra dans une compagnie qui revend des tissus à Québec et on s’est procuré des chamois chez Canadian Tire. Ça été notre premier cycling short!

C’est comme ça que tout a commencé. Il y avait de la demande et les gens aimaient le produit. On a été les premiers au Canada à faire des vêtements cyclistes.  Aux Jeux Olympiques de 1984, J’ai fini 33e sur 163. J’étais un peu déçu certes, mais je savais aussi que j’avais envie de faire autre chose. Il fallait que je décide assez rapidement si je voulais devenir un cycliste professionnel ou si je voulais continuer dans la fabrication de vêtement. La compagnie avait déjà du succès, on l’avait même enregistré en 1983. On a finalement décidé d’essayer en se disant que si on arrivait à vendre 12 maillots et 12 cuissards par année, on allait y arriver. On a travaillé comme des fous, mais le résultat y est.

Q: Où était situé l’atelier à l’époque?

LG : Au départ, l’atelier était dans le garage de mon père. On peut dire qu’on a vraiment débuté sans grandes ambitions et sans savoir ce que ça allait devenir. L’usine a été bâtie en 1987. On était la première compagne en Amérique du Nord à faire de la sublimation, une technologie qui venait d’Italie. On a été les premiers à l’importer pour faire nos imprimés et on était considérés comme des innovateurs. Puis pour faire face à la crise économique de l’époque, j’ai décidé d’essayer un nouveau produit : les casques de vélo. On a d’ailleurs été les premiers à faire des casques cyclistes au Canada. Chaque fois que je voyais une nouvelle opportunité, j’étais le premier à me lancer dans la fabrication.

Après les vêtements et les casques, ont s’est lancés dans la conception d’accessoires cyclistes. Garneau a été la première marque à offrir une « solution cycliste complète », c’est-à-dire tous les produits réunis chez une marque. Dans les débuts, la crédibilité de la marque a été remise en doute. Beaucoup pensaient que nos produits ne seraient pas de qualité parce qu’on en faisait trop. Au début des années 2000, on a lancé les vélos Garneau après avoir touché aux vêtements, aux souliers, aux casques et aux accessoires. Mes garçons commençaient à faire de la compétition de vélo et je me suis dit que je ne pouvais pas leur acheter des vélos de nos compétiteurs. On a donc commencé à fabriquer des vélos pour enfants. Les vélos de course ont suivi.

En 1987, on a ouvert une usine aux États-Unis puis une autre au Mexique. On a un bureau en Chine qui fabrique des produits de grande qualité. On a un autre gros projet qui devrait voir le jour au début du mois de juillet.

Q : Donc les premiers produits Garneau étaient des cuissards, mais j’ai lu que votre première commande était des produits custom, c’est vrai?

LG : Effectivement, on a commencé les produits custom en 1983. C’est un client qui l’avait demandé. Ce n’est pas d’hier que Garneau confectionne des produits personnalisés pour les clients. On le faisait déjà à nos débuts pour le vélo, et l’hiver, on s’associait avec Pierre Harvey pour faire des vêtements custom de ski de fond, et avec Gaétan Boucher, pour le patinage de vitesse. Aujourd’hui, on a recommencé à faire de l’équipement pour le patinage de vitesse, avec le casque Mips notamment.

Garneau a énormément contribué à l’innovation dans le domaine de l’équipement sportif, pas seulement pour le vélo. Nous avons été les premiers au monde à concevoir des raquettes à neige avec le système d’ajustement Boa. On a aussi été la première compagnie à faire un soulier X-comfort, avec une zone extensible qui prévient l’engourdissement lors des longues sorties à vélo.

Q: Quel apprentissage avez-vous tiré de vos années de course et mis en pratique en tant qu’entrepreneur?

LG : En cyclisme comme en affaires, mon trademark a toujours été : Ne jamais abandonner. Mes années de coureur m’ont appris à être tenace, têtu et persévérant.

Q: À vos débuts, vous n’aviez aucune expérience en affaires, comment c’était de se lancer dans le monde de l’entrepreneuriat avec Garneau?

LG : Les débuts ont été difficiles. Aidés par notre comptable, on avait établi un prix de reviens. On a eu la chance d’être les premiers, ce qui nous permettait d’avoir une marge sur les frais généraux, les frais de vente et de développement. Je ne cacherai pas que ça été difficile, surtout durant la récession. Disons qu’en tant qu’étudiant en Arts plastiques et cycliste, j’ai appris à la dure ce que c’était qu’une récession. À cette époque, j’ai même dû vendre une partie de l’entreprise pour sauver ma compagnie et être en mesure de réinvestir.

Q: Garneau est une marque québécoise, y a-t-il encore des produits fabriqués ici au Québec?

LG : Bien sûr. Nous avons encore un atelier de couture à Saint-Augustin. Nous avons quelques millions de dollars en termes de production qui sont concentrés uniquement au Québec. Le volet custom est également entièrement fait au Québec. Certains produits haut de gamme de triathlon sont aussi faits ici. Le plus gros défi avec l’atelier du Québec est que la plupart des couturières approchent la retraite. Disons que la relève est plus présente au Mexique.

Q: Êtes-vous toujours impliqué dans la conception du produit?

LG : Absolument. Je suis aussi impliqué dans la conception que dans le contrôle de la qualité. J’aime essayer nos nouveaux produits et faire des tests avec les vêtements qu’on conçoit. J’essaie constamment de penser à de nouvelles idées pour améliorer les produits. Je travaille avec tous les Chefs de produit, il n’y a aucun produit qui est lancé sans que je ne l’aie approuvé. Tout le processus qui entoure la création est ce que je préfère. Mon plan de carrière était d’être peintre et sculpteur, c’est un peu ce qu’on fait chez Garneau, on peint des vêtements et on sculpte des casques. Je me considère vraiment chanceux de pouvoir travailler dans un domaine que j’aime.

Q: Avez-vous un produit favori dans votre collection?

LG : Ça varie. J’adore le vêtement, j’ai aussi beaucoup aimé les casques durant les 20 dernières années. Mon coup de cœur cette année sont vraiment les souliers, avec le X-comfort notamment. Avec cette technologie, je pense qu’on apporte à l’industrie une grande valeur ajoutée qui permet à tout le monde de bénéficier de l’ajustement optimal. Il y a beaucoup de travail à faire sur les pieds, après tout on y met toute la force de votre corps. En cyclisme, c’est d’ailleurs notre point de contact principal avec le vélo. Les pieds sont très complexes en raison des nombreux os qui les composent. On a mis au point la zone extensible X-comfort, avec Antoine Duchesne et Hugo Houle, des coureurs qui ont participé au Tour de France. Quand tu es assis sur un vélo 6 heures par jour durant 3 semaines, les points de pression peuvent rapidement devenir inconfortables.

Q: D’où vous est venue l’idée du «Dream Factory»?

LG : De l’art. J’aimais la possibilité pour un consommateur de créer son propre vélo. Il y a 250 marques de vélo sur le marché nord-américain. Avec le Dream Factory, on voulait permettre aux gens de créer le vélo de leurs rêves. Je trouve que c’est un service extraordinaire que Garneau offre à ses clients.

Q: Chez Altitude Sports, nous sommes 100% en ligne. Quel est votre avis sur la vente de produits de vélo en ligne?

LG : À l’heure actuelle, je pense que la vente en ligne crée une grande révolution dans le réseau mondial des boutiques. Avant, les boutiques spécialisées avaient le contrôle de leur territoire. Dans un magasin, on vendait le vélo, les vêtements, l’équipement et les accessoires. De nos jours, tout ce qui est périphérique au vélo peut être vendu en ligne. Pour le vélo en lui-même, je pense que les consommateurs ont encore recours au marchand. Ils y vont pour l’ajustement, mais aussi pour bâtir une relation avec les spécialistes et pour écouter les conseils. La vente de vélo en ligne me semble un peu compliquée, mais c’est certain que l’avenir de la vente est en ligne. Actuellement, le réseau des boutiques spécialisées perd du terrain dans la vente d’accessoires. C’est certainement un grand défi auquel ils devront s’adapter.

Q: Vous qui êtes dans l’industrie depuis plusieurs années, y a-t-il des nouvelles tendances que vous voyez apparaître?

LG : Oui, notamment tout ce qui a trait au vélo lifestyle. Chez Garneau, on aspire à devenir le Lululemon du vélo. Prenons l’exemple de cette marque de Vancouver : à la base Lululemon vendait des vêtements de yoga. Ils ont bâti autour de leurs produits un lifestyle qui met l’accent sur la santé et le bien-être de façon à ce qu’aujourd’hui, un client peut aller chez Lululemon pour s’y procurer des produits sans même faire de yoga. Avec la nouvelle génération chez Garneau, on aspire à créer un lifestyle qui met moins l’accent sur la culture vélo à proprement parler, mais qui cherche à rassembler les gens autour du vélo. On veut miser sur le caractère social du sport et sur toutes ses déclinaisons, que ce soit du mountain bike, du gravel bike ou de la route. On veut donc créer des vêtements plus urbains, comme un jeans extensible polyvalent qui peut être porté au bureau comme lors d’une sortie à vélo.

Q: Garneau célèbre cette année sa 35e année d’activités, comment vous sentez-vous par rapport à cela?

LG : Je trouve que le temps a passé vite! Ma carrière de cycliste a duré 13 ans, donc la compagnie a occupé une grande partie de ma vie. Tranquillement, j’essaie de passer le flambeau aux enfants. Leur donner le relais de la compagnie, et le faire dans l’harmonie est l’un des plus gros défis de ma vie présentement.

Q: Pensez-vous que vous prendrez votre retraite de la compagnie un jour, ou vous allez toujours vouloir vous impliquer ?

LG : J’ai trop de plaisir à travailler avec les jeunes au développement de produits, mais c’est certain qu’il y a certaines choses desquelles je souhaite me détacher. Les rencontres avec la banque, par exemple. À l’avenir, je vais certainement travailler moins et faire plus de vélo et d’art.

Q: Quel est l’avenir pour Garneau?

LG : L’avenir c’est les jeunes, la nouvelle génération. Ils vont certainement amener la compagnie plus loin que moi parce qu’ils n’en sont pas les fondateurs. Ils partent sur une base plus solide et sont plus scolarisés, ils ont étudié en Affaires. Leur volonté est très forte, mes enfants sont très ambitieux.

Q: De toutes vos réalisations, de quoi êtes-vous le plus fier?

LG : Le fait d’avoir monté une entreprise internationale me procure définitivement beaucoup de fierté. Au niveau personnel, je suis très fier de ma famille. Je suis avec mon épouse depuis que j’ai 17 ans, et qu’elle avait 15 ans. Le fruit de notre amour a donné 3 enfants, c’est ma plus grande réalisation personnelle.

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