Un vaste troupeau de moutons mérinos s’entasse sur la route devant nous, ponctuant le silence d’un véritable concert de bêlements. Perchés sur leurs chevaux, deux jeunes bergers les escortent calmement. Si un mouton s’éloigne, ils sifflent, et les chiens, heureux d’aider, se chargent de ramener la bête sur le droit chemin.
La scène semble tout droit tirée d’un Western. Au lieu des habituelles plaines désertiques, cependant, nous sommes entourés des montagnes qui bordent la station du Mt. Nicholas, dans la bucolique région de Queenstown, au sud de la Nouvelle-Zélande.
J’attrape mon manteau Tech Trainer, et je m’approche de la horde, qui se déplace lentement sous la brise fraîche.
« Vous avez de la chance, nous dit Kate après avoir donné quelques instructions aux bergers. Les visiteurs ont rarement l’occasion de voir les moutons d’aussi près. »
Le visage tanné par le soleil, elle observe avec attention le troupeau, composé de bêtes à la toison épaisse.
« Ce n’est pas encore la période de la tonte, nous explique-t-elle en souriant. »
Plus de 30 000 moutons paissent sur une superficie d’environ 100 000 acres. La vallée s’ouvre devant nous, inondée de lumière et dominée par les imposants sommets des chaînes environnantes. Sauf quand on les emmène se faire tondre, les moutons sont entièrement laissés à eux-mêmes dans ce décor paisible.
Nous continuons notre route à travers la plaine en regardant le troupeau s’éloigner. Dans l’hémisphère sud, l’été tire à sa fin. Le vent de février souffle doucement, faisant onduler l’herbe des champs où paissent de nombreux troupeaux de bovins. Véritable changement de décor pour quelqu’un qui vient de quitter la morosité de l’hiver de Montréal.
Au volant de la jeep, Kate nous montre les bâtiments principaux de la ferme, la petite station d’hydroélectricité qui les alimente, et les pâturages dorés qui s’étendent à perte de vue.
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Il m’aura fallu trois avions, un bateau et une quantité phénoménale de flat white pour arriver à la station du Mt. Nicholas. J’y ai été invitée par Icebreaker à la suite de la parution de son rapport sur la transparence, afin de découvrir à quoi ressemble la vie sur l’une des fermes de moutons mérinos où elle s’approvisionne. Notre visite chez Icebreaker nous a permis d’en apprendre plus sur la provenance de nos vêtements.
Long de plus d’une centaine de pages, le rapport décrit minutieusement toutes les étapes de production de ses vêtements. Ces détails incluent la mention du chiffre d’affaires, les résultats des différents audits auxquels s’est soumise la compagnie, ses bons coups, ses ratés, et même ses objectifs futurs.
Pas étonnant qu’un tel rapport ait causé une petite révolution dans l’industrie.
La route prend un tournant serré, et nous arrivons finalement à une petite cabine en bois.
Malgré son aspect indéniablement rustique, le refuge offre tout le confort nécessaire, avec des lits superposés et un petit poêle à bois.
Notre réveil aux aurores nous a ouvert l’appétit, et nous prenons place pour le lunch. Devant nous, l’ombre des nuages se découpe en mosaïque sur l’herbe dorée de la vallée.
Kate explique qu’elle occupait autrefois un emploi dans une institution bancaire. Après un coup de fil impromptu de son frère il y a quelques années, elle est revenue en Nouvelle-Zélande, où elle a repris les rênes de la ferme familiale. Elle s’y est installée avec son mari, un consultant en agriculture, et ils y ont fondé une famille. Ils ne sont jamais repartis.
Vivre dans un endroit aussi isolé n’est cependant pas fait pour tout le monde. C’est une vie difficile. Entre l’entretien de la ferme, les enfants qui font l’école à la maison, la gestion du bétail, des moutons et des plantations, il y a constamment quelque chose à faire. La période la plus occupée? La tonte des moutons, bien sûr.
« Une fois par année, nous partons avec les chevaux, les chiens, quelques provisions… et du rhum. Il faut environ une semaine pour traverser les plaines et ramener le troupeau vers le bâtiment où a lieu la tonte. »
Il faudra compter une autre semaine pour qu’une équipe de spécialistes s’occupe de tondre les animaux, de nettoyer leur laine et de trier la fibre avant de l’envoyer à Icebreaker, à qui est destinée presque toute la production locale.
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Quand je mentionne le rapport sur la transparence, Kate nous indique qu’Icebreaker a été la première dans l’industrie à avoir signé des contrats à long terme (jusqu’à 10 ans) avec ses éleveurs.
Ceux-ci bénéficient d’une sécurité financière assurée, ce qui leur permet d’investir dans de nouveaux équipements et d’offrir un maximum de confort à leurs animaux. De son côté, Icebreaker s’assure de la qualité exceptionnelle de la laine qu’elle reçoit.
« Pour nous, ça allait de soi, nous explique Kate, non seulement d’un point de vue éthique, mais aussi parce que les moutons mérinos sont de vraies divas. En manipulant la fibre, je peux te dire si la brebis à laquelle elle appartenait a mis au monde au printemps, ou si le mouton a été malade ou blessé durant l’année. Le moindres tracas, blessure ou maladie affecte la qualité de la laine. Pour être capable de souscrire au critère de qualité d’Icebreaker, on doit traiter nos moutons aux petits oignons… et c’est très bien comme ça ! »
Après le lunch, Kate nous conduit aux limites de sa propriété pour nous faire profiter d’une vue imprenable sur la région protégée des lacs Mavora. Elle nous pointe même certains endroits où ont été tournées des scènes du Seigneur des Anneaux.
Au retour, nous croisons des vaches sur la route. Pris de panique, un petit s’est sauvé de l’enclos. Le troupeau l’a suivi et s’entasse maintenant sur la piste devant nous. Kate et ses chiens les ramènent à bon port. Un parfait exemple des défis du quotidien.
Ce soir-là, c’est souper BBQ, sur les berges de la rivière. Au dessert, nous dégustons la pavlova, spécialité néo-zélandaise regorgeante de crème fouettée et de petits fruits fraîchement ramassés.
De retour à notre cabine au bord du lac, je m’endors rapidement, bercée par le doux clapotement des vagues qui viennent s’échouer sur la grève.
L’aube apparaît. Nous sommes réveillés par le vent qui souffle, venant troubler la surface cristalline du lac. C’est notre dernier matin à la station. Avant de monter dans le bateau, nous faisons nos adieux à Kate, et nous avons une pensée pour les moutons qui paissent au loin.
Dans le ciel, des adeptes de parapente profitent des vents forts pour s’élancer dans les airs. On approche de Queenstown. La petite ville, située sur les rives du lac Wakatipu, est célèbre pour la variété de sports extrêmes qu’on y pratique.
Nous arrivons juste à temps pour prendre un café avant d’attraper notre vol. Direction Auckland, sur l’Île du Nord, où j’aurai la chance d’échanger avec un représentant d’Icebreaker. Au moment de ma visite, la seconde édition du rapport sur la transparence vient juste de paraître.
Je me promène à travers le district de Ponsonby, quartier branché de la ville abritant le siège social de l’entreprise. Bon nombre de passants arborent le logo de la marque sur leurs vêtements.
Au siège social, je rencontre tout de suite Kristin Borley, la jeune et dynamique directrice du marketing chez Icebreaker.
Elle me parle du rapport et de ses objectifs, comme le fait de ne plus utiliser de sacs en plastique et plus aucune fibre synthétique dans les vêtements d’ici 2023.
Faisant écho aux paroles de Kate, elle soutient que le contrat entre Icebreaker et ses éleveurs permet à l’entreprise de rehausser ses standards de qualité et de collaborer avec des professionnels aux hautes normes environnementales. Elle admet cependant que superviser le travail des éleveurs est plus facile en Nouvelle-Zélande qu’ailleurs.
Icebreaker est depuis longtemps à l’avant-garde de l’industrie, ayant par exemple banni il y a des années la technique du mulesing, pratique désormais illégale en Nouvelle-Zélande qui consiste à couper de manière préventive les plis naturels de la peau des moutons mérinos pour éviter une possible contamination larvaire.
Les constants efforts environnementaux et éthiques de la marque, mentionnés en détail dans le rapport de transparence, a d’ailleurs valus à Icebreaker la rarissime et très convoitée note de A+ dans le Tearfund Ethical Fashion Guide de 2019.
Avec une demande croissante pour les produits en laine mérinos, il est nécessaire plus que jamais pour la marque de rester fidèle à ses principes.
À bord de l’avion qui doit me transporter à Montréal, je me demande si les fibres de mon manteau et de mes bas ne proviendraient pas des moutons de la station du Mt. Nicholas.
Nous décollons. Les plaines de la Nouvelle-Zélande se dessinent sous mes yeux. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi Kate a tout laissé derrière pour venir vivre une vie de liberté totale, entourée de chaînes vertigineuses et de lacs aux eaux pures.
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En repensant à mes hôtes, je n’ai aucune difficulté à m’expliquer que le Rapport de Transparence d’Icebreaker allait un peu de soi. Quand on a la chance de travailler avec une matière première d’aussi grande qualité et des gens aussi passionnés, c’est normal de vouloir en parler.
Je réalise aussi qu’on ne sait pratiquement rien sur les origines de nos vêtements. C’est pourtant plus important que jamais. Après mon aventure à travers les campagnes néo-zélandaises, je sais que je peux faire confiance à Icebreaker… et j’avoue que j’ai moi aussi eu envie de tout abandonner pour venir m’installer ici, parmi les montagnes et les moutons.
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