On dirait que le jour ne s’est jamais vraiment levé tellement les nuages sombres contrastent avec la verdure flamboyante des arbres de la Cove Forest qui nous entoure. La pluie sur le capot apaise nos paupières qui se sont ouvertes un peu trop tôt ce matin. L’auto s’engouffre sur la Indian River Drive, une route sinueuse dont l’unique ligne jaune sert de repère dans le déluge, un point de fuite sans fin qui nous attire joyeusement dans l’immensité de la forêt. “This is where I feel the most alive.” déclare Josh alors que Jen, la conductrice, ralentit pour se garer dans un stationnement improvisé, un signe qu’on est en compagnie de locaux qui connaissent bien le coin .
Ce matin-là, Jennifer et Josh, nos acolytes de l’équipe marketing chez Arc’teryx, nous ont donné rendez-vous aux aurores pour aller faire un peu de course en sentier. Notre destination? La fameuse Baden Powell Trail, un sentier majestueux à moins de 30 minutes de Vancouver. C’est le quatrième jour de notre immersion chez Arc’teryx et on a déjà eu droit à toutes les conditions météorologiques et topographiques possibles. Océan, montagnes, tempête de neige suivie d’un apéro en terrasse avec un soleil plombant: chère Colombie-Britannique, tu nous plaisais déjà, et on se trouvait plutôt privilégiés de pouvoir découvrir certains de tes plus beaux attraits avec des personnes partageant cette même passion du sport et du grand air.
Aussitôt sortis de la voiture on s’imprègne de l’odeur des pruches et des sapins de Douglas. Notre premier réflexe est de prendre une profonde inspiration, les yeux bien fermés. On se sent fusionner avec le silence environnant et notre rythme cardiaque s’adoucit. Quand on délaisse la ligne jaune de la route, la brume est épaisse. On se laisse donc guider par Jen et Josh vers un sentier délimité par une affiche “Attention aux ours”. On me conseille d’insérer les lacets de mes Norvan LD GTX dans la languette prévue à cet effet et je m’active aussitôt. Dès le premier virage boueux du sentier, je comprends que l’équipement que je porte ce jour-là a été réfléchi par des amateurs du même sport, qui utilisent ces produits dans des conditions extrêmes.
On commence à courir tranquillement, en gardant un rythme cohérent avec celui de la pluie qui rend le sol glissant. J’ai cru comprendre que Josh était un amateur invétéré de la course en sentier de longue distance, cumulant des exploits de plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres en terrain accidenté. Je le questionne sur le sujet, curieuse de savoir ce qui l’anime dans ces défis de taille. Il me répond le plus simplement du monde:
« Pour courir dans les sentiers, il faut sauter dans toutes les flaques d’eau – celles que nos parents nous interdisaient de toucher quand on était enfant. C’est amusant! Je décris toujours cet état d’esprit comme si je dansais avec la montagne. On bouge en fonction des éléments de l’environnement immédiat qui se présentent sur notre chemin. »
Sa philosophie est contagieuse. Sans le savoir, mes mouvements deviennent plus fluides et plus légers. Je cours, alors qu’il me raconte la petite histoire de ses débuts en course à pied. Son intérêt pour le sport a commencé alors qu’il faisait sa maîtrise en génie chimique. Il va alors courir pour passer le temps, en attendant les résultats de ses expériences au labo. Après avoir accompli un premier marathon, il se dit: plus jamais. Mais comme le dit le vieux dicton: Ne jamais dire jamais. Quelque temps après, quand un de ses collègues l’invite à aller courir en montagne,Josh accepte tout bonnement. Il ne lui faut que quelques sauts par-dessus racines et flaques d’eau pour que l’enfant en lui tombe en amour avec ce sport, allant même jusqu’à changer ses priorités de vie.
Durant cette période, à chaque sortie que Josh fait en montagne, il se sent de plus en plus vivant. Il a le besoin profond d’accorder plus de place au plein air dans son quotidien. L’ouverture de poste comme rédacteur technique chez Arc’teryx est pour lui l’occasion parfaite d’allier ses compétences scientifiques à son appel du outdoor. Il décroche l’emploi et déménage à Vancouver, se rapprochant encore plus des montagnes, son terrain de jeu de prédilection.
« Quand je vivais à Seattle, je participais à toutes les activités de course en montagne. Mais maintenant que je vis sur la côte nord [de Vancouver], je profite encore plus des sentiers puisqu’ils sont littéralement devant ma porte. »
Il amadoue ce nouveau territoire non sans obstacle, mais il devient de plus en plus à l’aise et décide de repousser ses limites une fois de plus.
« Je suis allé courir en Tasmanie pendant un mois pour le plaisir, mais comme défi supplémentaire, j’ai décidé de fabriquer tout mon équipement vestimentaire pour le voyage. J’ai donc tout confectionné, à l’exception des chaussures et des chaussettes, y compris ma veste de course. »
Entre deux manuels techniques qu’il rédige, Josh se rend dans le centre de design d’Arc’teryx et commence à coudre selon ses propres standards les pièces dont il aura besoin pour son voyage. Après son exploit en Tasmanie, il présente à ses collègues les dédales de son aventure, en incluant son processus de conception de vêtements. Il leur explique comment ses découvertes pourraient être intégrées dans les collections suivantes. Sans surprise, il est repêché par l’équipe de marketing où il oeuvre depuis à titre de rédacteur créatif. C’est aussi de cette façon qu’il devient LA référence en course en sentier au siège social d’Arc’teryx.
Vous aurez vite compris que si vous cherchez Josh pendant les week-ends, les vacances ou même durant ses pauses lunch, il est sûrement parti courir. La raison est simple: pour lui, chaque course, brève ou plus longue, est une opportunité d’aventure. Que ce soit sur une île habitée uniquement par les loups des mers au nord de la Colombie-Britannique, sur le sentier de grande randonnée GR20 en Corse ou dans les montagnes du Caucase en Géorgie, les kilomètres se suivent, mais ne se ressemblent pas.
C’est la raison pour laquelle les designers chez Arc’teryx passent souvent à son bureau à l’improviste. Les moments qu’il prend pour tester les innovations de ses collègues sont aussi pour lui des occasions de vivre de sa passion par ricochet et d’améliorer le sport auquel il est si attaché. Cette proximité et ces échanges permettent non seulement une efficacité dans le processus de recherche et développement des produits, mais aussi une précision et un niveau de qualité inégalé. Josh est fier des produits dont il parle par la suite dans ses communications. Il faut se rendre à l’évidence: ce sont les gens derrière la marque qui font d’Arc’teryx une véritable référence en innovation technique. Leur philosophie d’entreprise privilégie l’initiative, et tout un chacun a un rôle clé pour repousser les standards des équipements de sport d’aujourd’hui et de demain.
Toute cette histoire m’a fait oublier les gouttes qui déferlent, de plus en plus abondantes. Après d’innombrables virages tortueux et plusieurs fous rires d’enfants lâchés lousse dans la nature, le sentier s’ouvre sur une énorme plateforme rocheuse à flanc de montagne. Elle offre une vue spectaculaire sur la baie de Deep Cove et les collines avoisinantes, où la brume est encore figée parmi les arbres. Un vrai paysage de carte postale qui nous arrache un rire qui vient du coeur. Perchés sur le bout de la Quarry Rock, on conclut notre discussion sur une évidence qu’on oublie souvent: jouer dehors et défier les éléments donnent accès à un plaisir pur et simple. Celui d’apprécier son environnement. Nous n’avons ni chaud ni froid, et malgré le ciel qui s’abat sur nous, nos chaussettes et nos t-shirts sous nos vestes sont bien secs (merci Gore-Tex!). Notre coeur bat la chamade, mais la pluie rafraîchit nos visages empourprés. On se sent vivre.
On mérite un café.On termine la journée avec une tournée de beignes bien méritée au fameux Honey Doughnuts (recommandation de locaux à noter)! Alors qu’on échange sur le bon moment qu’on vient de passer ensemble à braver la tempête, Jen s’esclaffe: « Une autre belle journée au bureau! » On se sent tous gagnés par un sentiment de liberté, celui d’avoir passé notre mercredi dans la forêt à jouer comme des enfants. C’est à ça que je penserai la prochaine fois que j’enfilerai mes souliers de course: pourquoi ne pas faire de cette sortie une nouvelle aventure et aller danser avec la montagne?
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