Patagonia et la révolution de l’agriculture régénératrice

Rédactrice chez Altitude Sports, Stephanie Major se passionne pour la nature et les grands espaces. En mars, elle est allée visiter Patagonia dans sa Californie natale. Entre changements climatiques et écoresponsabilité, elle nous parle du projet de Patagonia: l’agriculture régénératrice.

Patagonia et la révolution de l’agriculture régénératrice

Patagonia et la révolution de l’agriculture régénératrice

L’agriculture aurait-elle le pouvoir de renverser le réchauffement de la planète? C’est en tout cas ce que semble croire Patagonia, célèbre entreprise californienne réputée pour ses vêtements de plein air, qui fait des changements climatiques son cheval de bataille.

En partant pour la Californie, je ne pensais pas me retrouver sur une ferme, les mains dans la terre, à jardiner avec les précurseurs d’un véritable bouleversement agricole. En fait, malgré son surnom de potager de l’Amérique, je croyais l’État américain ravagé par des années de sécheresse et d’incendies dévastateurs.

Pourtant, c’est ici que Patagonia travaille sur son nouveau projet: l’agriculture régénératrice. Son slogan est formel. «We’re in business to save the planet» (En affaires pour sauver la planète). Ambitieux? Peut-être. Mais quand Patagonia se met à nous expliquer les principes de son nouveau plan, on commence nous aussi à y croire. Avant d’entrer dans les détails, disons simplement ceci: cela pourrait changer complètement la face du monde.

  • Bordered by the Pacific, Patagonia HQ in Ventura, California.
    Le siège social de Patagonia, à Ventura, Californie.
  • Bordered by the Pacific, Patagonia HQ in Ventura, California.
    L’équipe d’Altitude Sports et de Patagonia à la ferme Steel Acres.
Altitude Sports and Patagonia at the Steel Acres.
“On ne pouvait plus continuer à travailler avec autant de pesticides, nocifs pour l’environnement et pour les fermiers.”

À la rencontre de ceux qui font les choses différemment

Le soleil brûlant de Ventura brille au-dessus de nos têtes alors que nous nous dirigeons vers le siège social de Patagonia, près de la mer.

Patagonia, c’est probablement l’ultime compagnie responsable. Fondée en 1972 par le grimpeur Yvon Chouinard, elle n’en est pas à ses débuts dans l’industrie du plein air. Ni dans les initiatives environnementales. Dans les années 1990, alors que le monde commence à peine à entendre parler des changements climatiques, Patagonia fait le pari risqué du coton bio. En 1996, l’entreprise n’utilise que du coton 100% biologique. «Certains disaient que c’était du suicide, se rappelle Nicholas Ruiz, qui travaille aux archives de la marque. Mais c’était important pour nous de montrer à notre clientèle pourquoi on avait pris cette décision. On ne pouvait plus continuer à travailler avec autant de pesticides, nocifs pour l’environnement et pour les fermiers.» Les consommateurs ont suivi.

Austin, du marketing, en rajoute. «On a toujours attiré une clientèle assez consciencieuse, qui partage les valeurs de la compagnie depuis ses débuts, me dit-il, alors que l’on déambule à travers le siège social.» Et les débuts de Patagonia, c’est la Clean Climbing. Avant de se lancer dans la fabrication de vêtements, Yvon Chouinard, le fondateur, conçoit de l’équipement d’escalade. Ce qu’il y a de spécial, c’est que contrairement à tout ce qui se fait sur le marché, il le conçoit de façon à ne pas abîmer la roche des montagnes. Comme quoi Patagonia a toujours su réduire son impact environnemental.

  • Everyone lends a hand at Steel Acres with Patagonia.
  • Emily Staalberg, owner and operator of at Steel Acres.
    Emily Staalberg, la propriétaire de Steel Acres.
  • Everyone lends a hand at Steel Acres with Patagonia.
  • Everyone lends a hand at Steel Acres with Patagonia.

  • Everyone lends a hand at Steel Acres with Patagonia.
  • Everyone lends a hand at Steel Acres with Patagonia.

«Le bio, ce n’est pas suffisant»

Mais la marque reconnaît qu’il y a plus à faire encore. «Le bio, c’est un pas dans la bonne direction. Mais ce n’est pas suffisant.» Cara Chacon, qui dirige le programme d’agriculture régénératrice chez Patagonia, peine à contenir son enthousiasme pour cette idée à la fois avant-gardiste et millénaire. Millénaire parce qu’il s’agit en fait de retourner aux méthodes ancestrales. De limiter le labour des sols, de pratiquer la culture associée (cultiver plusieurs espèces végétales qui se protègent entre-elles), d’implanter un couvert végétal… C’est un retour à la manière des premiers fermiers. Mais cette fois-ci, quand on connaît les effets bénéfiques que ces pratiques ont sur l’écosystème, cette idée prend une tournure plus importante encore.

L’agriculture biologique s’assure qu’on n’utilise aucun pesticide toxique. Mais c’est à peu près tout. «L’agriculture régénératrice, elle, permet de reconstruire la matière organique du sol et de restaurer la biodiversité, afin de rendre la terre cultivable plus productive et plus en santé. Ensuite, et c’est le plus important, un sol régénéré permet d’emmagasiner d’importantes quantités de carbone.» Selon plusieurs études scientifiques, l’agriculture régénératrice pourrait ainsi bien être la meilleure façon de réduire le taux de CO2 dans l’atmosphère et de renverser le réchauffement climatique.

«On travaille actuellement sur la ROC (Regenerative Organic Certification, le projet de certification d’agriculture régénératrice), m’explique Cara. C’est un projet pilote qui va plus loin que le seul aspect biologique. La ROC repose sur trois piliers: la santé du sol, le bien-être animal et le côté équitable pour les fermiers.» Elle me dit que Patagonia fait de l’agriculture régénératrice son principal focus, avec des projets pilotes prometteurs de culture du coton en Inde et aux États-Unis. Pour Cara, cela ne fait aucun doute: c’est la solution du futur.

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Des résultats encourageants

On quitte maintenant Ventura et le Pacifique pour s’aventurer une vingtaine de kilomètres au nord. À Ojai, petite ville nichée au creux des montagnes. Véritable oasis parsemée d’oliviers et d’avocatiers, Ojai donne cette impression sereine d’être hors du temps. C’est ici que je visite la ferme biologique Steel Acres, l’un des partenaires de Patagonia, qui cultive fruits et légumes en utilisant des méthodes régénératrices.

J’ai la chance de comprendre directement comment tout cela fonctionne. Sous les cris incessants des oiseaux et le caquètement des poules, je rencontre Emily Staalberg, la propriétaire. Un large sourire au visage, chemise blanche et mains pleines de terre, elle m’explique qu’en seulement 3 ans, elle a réussi à augmenter la matière organique du sol de 2%. Si ça semble peu, c’est en réalité une énorme différence. Les bénéfices de l’agriculture régénératrice restent d’ailleurs les mêmes, que l’on cultive du coton ou de la nourriture. On peut voir rapidement des résultats tangibles dans la santé et la productivité du sol.

On poursuit la discussion pendant l’heure du lunch. Au menu: lentilles, légumes, salade et jus d’orange bio. Un repas tout droit tiré de la ferme. Assise à l’ombre des orangers, Emily jette un coup d’oeil vers les rangées de laitues, à quelques pas derrière nous, qui poussent sous le soleil de midi. «La terre est résiliente, me dit-elle. Avec des pratiques régénératrices, on a montré qu’on pouvait redonner vie aux terres dégradées. C’est ce qu’on fait ici.»

  • Patagonia’s venture capital fund Tin Shed Ventures
    L’entrée du siège social, à Ventura.
  • Patagonia’s venture capital fund Tin Shed Ventures

Une évolution des mentalités

De retour au siège social, à Ventura, où je suis accueillie par Phil Graves. Responsable de Tin Shed Ventures, le fond de capital risque de Patagonia, il supervise l’implication de la marque au sein de la ROC. «On utilise du coton bio depuis plus de vingt ans. Aujourd’hui, seulement 1% de tout le coton de l’industrie du textile est issu de l’agriculture biologique.» Même après tout ce qu’on entend sur les pesticides et le manque d’eau? Il hoche la tête. «C’est l’un de nos plus grands échecs en tant qu’entreprise. Nous n’avons pas su inspirer les autres.»

Mais la situation est différente aujourd’hui, estime-t-il. Les fermiers subissent désormais de plein fouet les conséquences du réchauffement. Les feux de forêts dévastent les champs, et les hivers trop chauds ruinent les récoltes. «Aujourd’hui, avec tout ce qui se passe, c’est beaucoup plus facile de convaincre les agriculteurs de suivre nos traces et de s’intéresser à la ROC», soutient-il. Avec l’agriculture régénératrice, il espère faire avancer les choses.

Tin Shed Ventures investit dans des startups dont le succès économique est intimement lié au bien-être de la planète. Elle mise également sur les entreprises qui veulent s’initier aux principes de l’agriculture régénératrice. Ce sont d’ailleurs des milliers d’entreprises qui ont fait la demande de travailler avec Tin Shed Ventures. La preuve que les choses commencent enfin à changer. Et que les gens commencent à comprendre.

We’ve been using organic cotton for twenty years, but only 1% of our industry’s cotton is organic.
«Seulement 1% de tout le coton de l’industrie du textile est issu de l’agriculture biologique. C’est l’un de nos plus grands échecs en tant qu’entreprise. Nous n’avons pas su inspirer les autres.»
  • Cotton in Conversion supports farmers’ 100% transition to organic
  • Cotton in Conversion supports farmers’ 100% transition to organic

Patagonia et la révolution de l’agriculture régénératrice

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