Mots par Stéphanie Major et Marie-Pierre Paradis-Claes
La nature, le chemin vers l'inclusivité?
Promouvoir la diversité à Victoria, en Colombie-Britannique
L’accès aux activités de plein air renforce le lien spécial qui unit le monde à la nature, peu importe le niveau d’habileté. C’est une idée à laquelle Fjällräven croit profondément, et la marque vise à sensibiliser le grand public à la conservation, à la protection de l’environnement et à l’accès aux activités de plein air à travers son initiative Arctic Fox. En 2021, elle commence à soutenir Power To Be, une organisation à but non lucratif dont l’objectif est de permettre aux jeunes, aux familles et aux adultes confrontés à des obstacles cognitifs, physiques, sociaux ou financiers de profiter de la nature. C’est pour cette raison que je me trouve à Victoria, en Colombie-Britannique, en train de visiter le campus de Power To Be. J’y rencontrerai Ashton, qui vit avec le syndrome de la Tourette, et Kyla, qui est Sourde et qui utilise un implant cochléaire. Avec un groupe diversifié composé d’autres jeunes adultes, nous aurons la chance de faire du canot, du jardinage, du camping et de l’observation d’oiseaux.
Mon avion descend et je suis subjuguée par la beauté des îles Gulf. Les sommets enneigés encadrent la mer des Salish et le littoral de la Colombie-Britannique. L’air est vif et je respire profondément les notes salines. Un sentiment d’excitation m’habite alors que je m’apprête à partir à la rencontre de nouvelles personnes et d’une nature sauvage.
Sapins, arbousiers et érables à grandes feuilles bordent la route qui mène à Prospect Lake. Devant nous apparaît le campus de Power To Be. C’est l’aube et je suis là pour visiter les lieux avant l’arrivée du groupe. Un rond-point pavé avec un stationnement accessible permet de débarquer facilement. L’entrée est entourée de peupliers faux-trembles qui me rappellent que j’ai officiellement laissé la ville derrière moi.
À l’intérieur, un écran affiche un tableau de bord énergétique. On m’explique que les installations sont alimentées par un échangeur géothermique conçu pour stocker le surplus de chaleur pendant l'été afin d'aider à chauffer les bâtiments pendant l'hiver. Plusieurs compteurs d'énergie permettent de suivre la consommation du bâtiment afin de mieux comprendre son empreinte carbone. Chaque salle de bains est équipée de boutons d'accessibilité hauts et verticaux ; les comptoirs des cuisines sont abaissés pour permettre l'accès aux fauteuils roulants ; et tout se trouve au rez-de-chaussée, avec des couloirs faciles à parcourir. Je vois tout de suite que cet établissement s'engage à respecter les normes les plus strictes en matière d'accessibilité et d'environnement.
Power To Be s’étend sur 78 acres de terrains qui comprennent des terrains de camping, des sentiers et des boisés. À l’extérieur de l’établissement, une esplanade est entourée de trois totems sculptés par des maîtres ébénistes pour honorer les terres et les communautés autochtones qui partagent ce paysage naturel et incarnent l'éthique et la vision de Power To Be.
Récemment, l’OBNL a mis en place un programme d’anciens élèves qui permet à ceux-ci de rester actifs avec l’organisation. Pour cette fin de semaine, elle a mis en place des activités pour que des participants des programmes passés et présents puissent se rencontrer et faire ensemble quelque chose de nouveau. Ashton et Kyla faisaient partie de la première cohorte du Landscape and Restoration Employment Program, et ils rencontreront à la fois de nouvelles personnes et de vieilles connaissances. Pour d’autres, ce sera leur première fois à faire de l’aménagement paysager.
Carinna Kenigsberg, directrice des programmes chez Power To Be, m’explique : « Tout ce qu’ils ont à faire, c’est de se présenter. Power To Be et la nature s’occupent du reste. Il faut se rappeler que les personnes qui viennent ici sont habituées à se faire constamment dire “non”, “non, tu ne peux pas faire ça” ou “non, tu ne devrais pas faire ça”. Ils apprennent vite que la nature est inclusive et que nous le sommes tout autant. »
C’est plus qu’une simple philosophie. C’est un engagement qui se traduit par des actions concrètes, que ce soit par la conception des installations de Power To Be, de ses ateliers et programmes, ou par ses initiatives de subvention comme celle d’Arctic Fox de Fjällräven, destinée aux organisations qui veillent à la protection de l'environnement ou qui inspirent le monde à passer du temps en plein air. En 2021, Fjällräven a accordé celle-ci à Power To Be. La marque a également soutenu l'événement Power To Summit de Power To Be, pour encourager le monde à dépasser leurs limites en nature et récolter des fonds afin de soutenir des programmes d'activités inclusives et accessibles.
C’est avec le canot que commence mon aventure avec Power To Be. Pour ceux et celles qui ne se connaissent pas, s’asseoir à proximité les uns des autres devient le moyen idéal pour briser la glace, connecter, partager un fou rire et tisser des liens. Kyla pagaie juste devant moi. Elle admire avec révérence les paysages qui l’entourent. J’ai l’habitude, lorsque je fais du canot-camping, de pagayer le plus vite possible pour aller du point A au point B. En regardant Kyla, je me calme. Elle ne le sait pas, mais elle m’apprend quelque chose d’inestimable.
Ashton est assis près de moi, et je lui demande ce qu’il aime le plus d’être sur l’eau. Pour lui, le fait d’être près d’une étendue d’eau a un effet calmant. Cela lui permet d’oublier le monde extérieur et d’être dans le moment présent. Ashton a dû relever plusieurs défis au cours de sa vie, mais il peut être lui-même ici. Il est facile à vivre et prêt pour n’importe quelle aventure. Dans le canot, il me pointe un nid d’aigle perché au sommet d’un grand pin. Il me dit que les rapaces sont ses préférés, et qu’il aimerait bien en voir un de près.
Après le canot, nous nous dirigeons vers les bois pour monter nos tentes. J’aide Kyla avec la sienne. Ça fait des années qu’elle participe à des programmes avec Power To Be. Elle n’a pas peur de nous rappeler la meilleure façon de la désigner : elle est « Sourde », ou bien « malentendante », mais elle n’est pas « déficiente auditive ». Elle adore l’escalade et le kayak, mais c’est la première fois qu’elle fait du camping avec Power To Be, et la deuxième fois seulement qu’elle en fait dans sa vie. Pour dormir, elle doit retirer son implant cochléaire pour éviter de l’endommager. Kallie Laycock, responsable de la gestion de l’environnement et de l’éducation, dort dans une tente à côté d’elle en cas d’urgence. On profite du moment pour discuter ensemble et Kyla m’apprend avec plaisir quelques mots en langue des signes.
Une fois le campement installé, place à la dernière activité de la journée : le nouveau jardin sur place. Kyla et moi déambulons entre les plates-bandes en lisant les étiquettes. Il y a une grande variété de plantes, dont le bleuet, le melon d’eau et le kiwi. Je vois aussi un plant de sauge ananas qui sent… l’ananas. Étonnant, je sais.
Avec le groupe, on plante trois types de lavande : espagnole, anglaise et française. Kyla en connaît long sur la botanique. Elle identifie habilement chacun des types et décrit les caractéristiques qui les distinguent. D’autres membres du groupe partagent leurs connaissances et me racontent leurs expériences en jardinage. Kyla a toujours eu une passion pour les fleurs et la cultivation en serre, et s’intéresse de plus en plus à l’agriculture de la ferme à la table.
En élaborant les plans de son nouveau site, Power To Be avait prévu que le jardin à l’avant devienne un espace pour les visiteurs. L’organisation a d’ailleurs invité un gardien des savoirs autochtones pour qu’il puisse informer l’équipe sur les plantes indigènes qui poussent dans la région. L’équipe d’aménagement paysager a intégré ce savoir dans ses plans. Kyla s’est particulièrement investie dans la plantation d’achillée millefeuille et d’autres espèces locales, et a travaillé à désherber et à favoriser la croissance d’espèces locales comme les fougères et la gaulthérie dans les plates-bandes.
Fatigués après une journée bien remplie, nous prenons place pour un souper bien mérité. C’est le solstice d’été. Au coucher du soleil, le crépuscule semble s’étirer avant la tombée véritable de la nuit. Nous sommes assis autour du feu, occupés à partager des histoires et des s’mores. Plusieurs hiboux grands-ducs hululent autour de nous, un présage à l’excursion de demain - celle que j’attends avec impatience.
C’est dimanche, aujourd’hui, et le plan est d’aller observer les oiseaux. Passionnant, n’est-ce pas ? Si ça semble sarcastique, ça ne l’est pas du tout, et je sais que je ne suis pas la seule à le croire. C’est presque un phénomène scientifique lorsqu’on atteint la trentaine ; on commence à adorer les oiseaux. On se crée un compte sur eBird, et ça remplace presque tous nos autres réseaux sociaux.
Quelle n’est pas ma surprise de découvrir, lorsqu’on arrive, qu’on observera en fait le baguage des oiseaux effectué par les membres expérimentés du Rocky Point Bird Observatory (RPBO), qui mènent des recherches sur le terrain de Power To Be. Le RPBO vise à sensibiliser la population sur la conservation des oiseaux de l’île de Vancouver, par le biais de la surveillance, la recherche et l’éducation. En 2021, une station MAPS (Monitoring Avian Productivity and Survivorship) a été installée sur le site de Power To Be à Prospect Lake afin d'étudier les populations d'oiseaux chanteurs.
L’autre jour, Ashton m’a montré au loin un nid d’aigle, et j’avais aussi remarqué la photo de son fond d’écran de téléphone : un faucon. On commence à discuter de plus en plus, liés par notre amour mutuel pour l’ornithologie. Ashton trouve le baguage fascinant, même s'il me confie qu'il est nerveux à l'idée de manipuler de petits oiseaux - tout en me donnant le poids exact des colibris.
Quand on arrive, un bénévole nous dit qu’on vient de manquer un colibri roux. Je suis très déçue - c’est mon oiseau préféré. En revanche, l’équipe a attrapé une fauvette de Wilson tout près. Le RPBO a réparti quinze filets sur le terrain de Power To Be, ce qui lui permet de capturer une grande variété d'espèces dans la région. Toutes les quinze minutes, quelqu’un fait le tour des filets pour vérifier si des oiseaux ont été capturés ou pour retirer les feuilles mortes des filets, car les oiseaux sont assez intelligents pour les éviter.
L’expérience met en lumière la contribution inestimable des bénévoles dans la récolte de données. Attraper un oiseau, pourtant, n’est qu’une partie du plaisir. Les bénévoles nous donnent à chacun des oiseaux à tenir dans nos mains avant de les relâcher. C’est vraiment spécial d’interagir si intimement avec la nature. Je reçois une grive de Swainson, qui s’attarde dans mes mains avant de prendre son envol. Un moment que je n’oublierai pas de sitôt. J’aurais pu rester là toute la journée, mais il est temps de faire le bilan du week-end avant Power To Be.
Ce bilan est une façon de remercier tous les membres de la communauté. Chaque personne prend le temps de passer le micro pour s’adresser aux autres afin que Kyla se sente incluse dans la conversation.
Par le biais de partenariats et de collaborations comme celles avec Fjällräven, Power To Be prône l’importance de traiter la nature et les personnes qui nous entourent avec dignité et respect. Cette philosophie renforce l’harmonie et défend le droit acquis de tous les êtres à exister.
Le modèle de Power To Be se consacre à la réalisation de changements sur la scène locale, régionale et nationale. Il aide l’industrie du tourisme et d’autres espaces récréatifs à mettre en place des mesures efficaces pour favoriser l’inclusion et l’accessibilité. On le remarque entre autres dans la façon dont ses membres s’expriment, contribuent à la création de liens entre les participants et reconnaissent la manière dont les individus se soutiennent les uns les autres. Mais c’est surtout cette collaboration avec des organisations extérieures qui lui permet de s’assurer que ses participants pourront fréquenter des parcs et sentiers accessibles dont ils pourront profiter. C’est ce qui jette les bases d’une relation de confiance.
J’espère que cette façon de faire se propagera à d’autres lieux de plein air pour que ceux-ci deviennent plus inclusifs, pour qu’ils puissent accueillir tout le monde, peu importe leur âge, capacité, milieu d’origine ou style de vie. J’aimerais voir des efforts proactifs qui se remarquent dès qu’on entre en contact avec un lieu de plein air. Que ce soit à travers un appel téléphonique, un site Web, quelques mots de bienvenue ou des histoires lues dans les médias d’information. Chaque point de contact doit refléter cet engagement envers l’inclusivité.
Pour que l’inclusivité et l’accessibilité soient acquises, il faut considérer le plein air comme un espace partagé pour tout le monde. Ça va plus loin que le simple fait de s’adapter à des capacités différentes ; on vise à préserver un espace qui fait partie intégrante de la nature. En plongeant dans toute la richesse sensorielle de la nature, en écoutant le chant des oiseaux, en glissant en canot sur la surface de l’eau, en respirant le parfum des fleurs sauvages, nous prenons racine dans le monde qui nous entoure. Nous respectons la faune et la flore, honorons les Premières Nations et nourrissons les communautés locales. Nous développons aussi notre empathie et faisons davantage partie d’une communauté, où des individus comme Kyla et Ashton peuvent s’épanouir et, à leur tour, inspirer ceux qui les entourent.
Vous croyez aussi que la nature appartient à tout le monde? Faites un don: powertobe.ca/donate/