Mike Douglas: activiste et légende du freeski

Shayd Johnson est un photographe canadien qui aime les conversations enrichissantes avec des étrangers, sortir de sa zone de confort, et voir la beauté dans le quotidien.

Mike Douglas: activiste et légende du freeski

L’un des skieurs les plus influents de tous les temps, Mike Douglas a passé presque toute sa vie sur le Horstman Glacier, près de Whistler. Activiste avec Protect our Winters et cinéaste de renom, il possède sa propre société de production à travers laquelle il réalise de nombreux films et documentaires d’aventure. 

Mike Douglas: activiste et légende du freeski

Rédigé par Stéphanie Major

Entrevue avec Mike Douglas, activiste et légende du freeski

Réussirons-nous à sauver nos hivers? Mike Douglas, skieur, activiste et cinéaste de renom, parle de sa vision et répond à nos questions sur l’avenir de la planète. 

1. Tu es connu sous le nom du Godfather of Freeskiing. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ta contribution à ce sport et sur les raisons qui t’ont valu ce surnom? 

Un peu malgré moi, je suis devenu le porte-parole de ce petit groupe de skieurs qui essayait de changer les règles du jeu dans le freeski. C’est arrivé un peu par hasard, parce que j’étais le plus vieux. Chaque fois que les médias s’adressaient à nous, on me pointait du doigt pour que je parle! J’avais l’air du boss, même si ce n’était pas nécessairement le cas. Le nom a été utilisé en premier par quelqu’un du département Marketing chez Salomon, et la première fois que je l’ai entendu, c’était dans une de leurs pubs. Honnêtement, il ne me dérange pas; il y a pire comme surnom! 

2. En quoi les «règles» que l’on voulait appliquer au freeski étaient-elles si problématiques? Penses-tu que le freeski n'a pas besoin de règles et qu'il doit être régi par la créativité? 

Quand j’étais plus jeune, on pratiquait le ski acrobatique, qui était ce qui se rapprochait le plus du vrai freeski. Mais le sport a évolué, et il est rapidement devenu encadré par un ensemble de règles assez rigides. Il est aussi devenu une discipline olympique, à l’époque, et ça change un sport de façon radicale. Ce n’est pas tout le monde qui était ravi de ce revirement de situation. Les règles appliquées au ski acrobatique, à notre freeski à nous, sont devenues plus étoffées, plus contraignantes. Il fallait s’assurer, bien sûr, que les skieurs à travers le monde puissent comprendre ce qu’ils avaient le droit de faire et de ne pas faire. Le ski freestyle est devenu, justement, de moins en moins free

Nous n’avions désormais plus le droit d’évoluer plus vite que les règles, et c’était pourtant la seule chose que nous voulions faire! Nous voulions avoir la possibilité de créer de nouveaux sauts, de nouvelles figures, sans devoir attendre la lenteur bureaucratique qui se chargeait de modifier les règles du sport. À l’époque, également, la planche à neige venait véritablement de prendre son envol, et je regardais avec envie les planchistes effectuer les figures les plus folles. Pourquoi est-ce que le ski ne pouvait pas être aussi créatif? Nous avons donc commencé à effectuer des tricks de planche à neige, avec nos skis, et ça a attiré l’attention dans l’industrie. Mais on s’est vite rendus compte que les skis que nous avions n’étaient pas du tout adaptés à ce genre de prouesses… 

3. Ce qui nous amène à la question suivante: tu es derrière l’invention du ski à double spatule avec Salomon, qui a provoqué une petite révolution dans l’industrie. Quelle différence ce ski a-t-il fait la différence dans le sport? 

L’équipement traditionnel n’était tout simplement plus assez avancé pour réaliser toutes nos figures. Mon groupe de skieurs et moi-même avons alors conçu un ski à double spatule (Twin Tip), qui est plus tard devenu le Salomon 1080. Mais ça n’a pas été facile à vendre! Aujourd’hui, les skieurs ont tendance à penser que ce modèle était la suite logique des choses, mais personne - même Salomon - n’était convaincu au départ. Nous n’étions pas très connus, et le monde du ski était à l’époque régi comme un club de vieux garçons, et ce n’est pas le genre de personnes qui aiment faire bouger les choses! Il y a beaucoup de parallèles à faire entre cette affaire et la situation climatique à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui. Nous avons besoin de responsables qui soient prêts à voir plus loin que la façon dont nous avons toujours fait les choses. 

À un moment, j’ai presque abandonné. La plupart des gens à qui nous avons montré nos designs pensaient que nous étions complètement fous et que nous n’avions pas la moindre idée de ce dont on parlait. Et pourtant: lorsque le ski est sorti, le freeski n’a plus jamais été le même.

4. En plus d’être un skieur, tu es passionné par la production de film et tu possèdes ta société de production, Switchback Entertainment. Qu’essaies-tu de représenter dans tes films? 

Je veux réussir à toucher mon public, à lui faire ressentir des émotions. La plupart de nos films sont centrés autour du sport et du plein air, ils sont chargés d’adrénaline, mais j’essaie toujours de mélanger ces scènes impressionnantes avec une histoire touchante qui résonnera longtemps avec les gens. 

5. Y a-t-il un sujet que tu rêves d’aborder? 

Je ne sais pas s’il y a un sujet en particulier… Je suis passionné par les bonnes histoires. Ça semble évident, mais on n’en découvre pas souvent. Je suis fan de films, de bons documentaires, c’est ce que j’essaie de présenter. En ce moment, j’ai un film en cours de production dont je suis vraiment fier. C’est l’histoire d’un homme qui est devenu la première personne à visiter tous les pays du monde sans prendre l’avion. Il pensait que ça lui prendrait quatre ans, mais ça lui en a pris dix!

6. Tu passes beaucoup de temps dans les montagnes, notamment en Colombie-Britannique. Comment as-tu remarqué pour la première fois les effets des changements climatiques? 


J’ai passé presque toute ma carrière de skieur à m’entraîner sur le Horstman Glacier, près de Whistler. Ma première saison, c’était en 1989. À l’époque, le glacier était si énorme qu’il était impossible de songer qu’il pourrait commencer à fondre au cours d’une vie. Pendant plus de quinze ans, je passais près de trente jours sur le glacier tous les étés. C'est au bout d’une dizaine d’années que j'ai commencé à observer de véritables changements sur le glacier. Il commençait à fondre de plus en plus chaque année. Il y avait ce rocher sur le bord du glacier où j'avais l'habitude de poser mon sac, et tout à coup, il n'était plus du tout sur le côté, il était en haut de la pente, là-bas. 

On commençait tout juste à évoquer la notion de réchauffement. Déjà, pourtant, tout ce que les scientifiques disaient à ce sujet, je pouvais le constater de mes propres yeux. J’ai commencé à éprouver beaucoup d’inquiétude vers la fin des années 1990, et j’ai naturellement pensé que le gouvernement allait tout de suite faire quelque chose afin de remédier à la situation. Je ne m’étais jamais vraiment considéré comme un activiste, et je ne me voyais pas m’engager pour la cause à ce moment. 

Mais les années ont passé, le terme «changement climatique» a été inventé, et j’ai commencé à m’exprimer davantage à ce sujet sur les réseaux sociaux. C’est comme ça que j’ai découvert ce groupe aux États-Unis, Protect our Winters, fondé par le planchiste Jeremy Jones. C’était des gens exactement comme moi qui utilisaient leur notoriété pour parler des changements climatiques! Quand je les ai finalement rencontrés en 2016, ils m’ont demandé de devenir l’un de leurs ambassadeurs. Avec d’autres personnes, nous avons alors fondé Protect our Winters Canada. Et soyons honnêtes: les enjeux climatiques que nous pouvions observer aux États-Unis se produisaient également ici. 

7. En quoi le fait d’être impliqué avec POW a-t-il changé ta façon de voir les efforts que la société fait pour agir contre les changements climatiques? 

La première chose que POW m’a apprise, c’est à quel point nous avons plus de pouvoir au sein d’une organisation qu’au niveau individuel. Le but d’une organisation comme POW, c’est justement de donner de la voix à une collectivité qui a un réel pouvoir et qui peut influencer les décisions politiques. 

En tant qu’individu, ce n’est pas facile… Il n’y a pas grand-chose qu’on puisse faire. On essaie d’être parfait, de mieux recycler, de moins conduire notre voiture, mais la différence que ça fait est minime, et on culpabilise. Cependant, nous présenter à Ottawa, avec cent mille signatures du public, afin d’exiger un changement radical des politiques... c'est une autre histoire. 

8. Est-ce que c’est comme ça que tu restes motivé? Que dirais-tu aux gens aux prises avec l’éco-anxiété? 

Eh bien, l’alternative, c’est le désespoir… À mon avis, on n’a pas le choix d’essayer. Je suis papa, et j’ai le sentiment que je dois utiliser mon pouvoir pour faire changer les choses. Il y a beaucoup de tristesse et d’anxiété dans l’air, c’est sûr, mais lorsque’on fait partie d’un groupe, qu’on participe à des événements et qu’on voit des résultats tangibles, ça donne du pouvoir. 

On ne peut plus passer sous silence les conséquences des changements climatiques. Tout ce que les scientifiques ont prédit, les feux à répétition, les inondations… ils nous frappent de plein fouet aujourd’hui. Mais il faut persévérer. L'industrie des combustibles fossiles gagne des milliards de dollars par an. Avec cet argent, c’est facile pour elle de verser dans la désinformation et d’influencer les gouvernements, mais nous avons le public, la vérité, et la science de notre côté. Ça prendra sans doute plus de temps que prévu, mais nous finirons par gagner. 

Mon conseil: sortez et profitez-en. La pire chose à faire est de rester chez soi, de lire les nouvelles et de se sentir impuissant. Faites bouger les choses, peu importe comment, signez la pétition quand elle se présente et rejoignez un groupe comme POW. Ça apporte une toute nouvelle perspective. 

La première fois que nous sommes allés à Ottawa avec POW, ça m’a donné beaucoup d’espoir. De façon générale, les politiciens pensent exactement comme nous. Mais ils sont aussi le reflet de la population: ils ont besoin de soutien et de statistiques, pour que lorsqu'ils proposent des changements, comme la suppression des subventions à l'industrie des combustibles fossiles, ils aient le soutien de la population. C'est exactement ce à quoi sert un groupe comme Protect our Winters.

9. En toute honnêteté: penses-tu que nous allons réussir à sauver nos hivers? 

C’est une question difficile. Je suis convaincu que nous dirigeons rapidement vers un changement important au niveau climatique, et que nous ne pouvons pas retourner en arrière. Il va falloir s’adapter, et je sais que la situation va probablement empirer avant de s’améliorer. Ça fait peur! Mais il y a une chose que l’un des auteurs du dernier rapport du GIEC (le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a dite, et qui m’a vraiment marqué. Il a écrit qu’il n’y a pas de point de basculement absolu, pas de moment où l’espèce humaine sera condamnée. Au contraire: nous sommes sur une pente, et nous nous dirigeons assez vite vers la catastrophe, mais à tout moment nous pouvons nous arrêter et commencer à améliorer les choses. Par exemple, si on commence aujourd’hui à utiliser moins de combustibles fossiles, et plus d’énergie renouvelable, on pourra faire une différence sur le long terme. 

La technologie évolue rapidement. L'intelligence artificielle est une autre chose qui dépasse l’entendement, mais elle a un potentiel énorme pour créer des systèmes qui sont beaucoup plus efficaces et qui peuvent aider à résoudre des problèmes. La bonne nouvelle, c'est que nous ne sommes pas en train de chercher désespérément des solutions, nous savons déjà comment faire! C'est la mise en œuvre de ces nouvelles technologies qui pose problème. Mais pour répondre à la question: oui, je suis confiant. 

Vous voulez vous engager? Faites-le sur https://www.protectourwinters.ca/

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