Traduction: Simon Ruel, rédacteur chez Altitude Sports
Seulement en ski: une leçon d'alpinisme avec Rab
Louis-Dominic Parizeau, vice-président, marketing chez Altitude Sports, s’est rendu en Gaspésie pour prouver que skier au Québec en avril, dans la neige jusqu’aux genoux, ce n’est pas une légende. Équipé par Rab pour deux jours d’alpinisme, de ski de randonnée et de camping sauvage, il a constaté que si on est prêt à braver les conditions hivernales les plus rigoureuses, on est récompensé en expériences extraordinaires.
Qu’est-ce qui rend un endroit spécial? Les lieux les plus exceptionnels ne sont pas ceux que tout le monde veut visiter. Les foules ne s’y entassent pas. Ce ne sont pas ceux qui font constamment la une. C’est dur de s’y rendre.
Pour la plupart des gens, tout est plus fastidieux en hiver: s’habiller, marcher dans la neige, faire chauffer l’auto… On évite le froid à tout prix, et on reste dehors le moins possible. Mais pour quelques oiseaux rares, l’hiver est invitant. Et en répondant à l’invitation du froid, de l’éloignement et des conditions les plus rigoureuses de la saison, ces excentriques sont récompensés avec des expériences parmi les plus uniques qu’on puisse vivre en nature.
Avril se pare de symboles printaniers: les tulipes émergent du sol à peine dégelé, les oiseaux commencent à revenir du sud et on troque les tuques pour les casquettes. Mais pas dans les Chic-Chocs. En Gaspésie, c’est encore l’hiver. Je m’y suis rendu avec une équipe de guides, d’athlètes et de représentants de la marque britannique Rab, réunis pour trois jours d’alpinisme, de ski de randonnée et de camping sauvage.
En préparation de mon voyage, je me suis entraîné à skier dans les Laurentides. Mais un changement de paysage grisant m’attendait dans les Chic-Chocs: la mer! Le parc provincial dans lequel se trouvent les montagnes est situé précisément là où le Saint-Laurent s’ouvre sur l’océan. La neige était superbe; le terrain, accidenté. Notre troupe a installé son campement aux Mines Madeleine, une zone normalement inaccessible, dénichée grâce au flair de nos guides.
On nous a expliqué que malgré que le ski de printemps ne soit pas idéal, c’est quand même la meilleure période pour visiter cette montagne, en dépit du dénivelé, des précipitations, du vent et des risques d’avalanche. Il faut être vigilant. C’est un coin reculé du Québec que la majorité des gens ne verra jamais.
Le parc national de la Gaspésie est le second plus ancien parc provincial au Québec. Notre groupe s’est entretenu avec un représentant du parc qui nous a expliqué ses origines: la chaîne de montagnes des Chic-Chocs est issue d’activité volcanique sous-marine, il y a 600 millions d’années, alors que les monts McGerringle sont du magma qui a émergé de failles dans la croûte terrestre il y a 380 millions d’années. Le rôle principal du parc national de la Gaspésie est la préservation, et on y travaille fort à protéger toute une variété d’espèces et de plantes menacées, comme les grandes forêts de sapins, ou une plante herbacée vivace qui porte le nom pittoresque de minuartie de la serpentine.
Quand on se trouve dans une zone isolée, avec seulement ce qu’on a apporté et ce que la nature peut pourvoir, rester au chaud devient plus complexe. Il n’y a pas de douches en bas de la montagne, ce qui pose problème parce que la sueur causée par les ascensions pourrait geler. Il est donc capital de porter des vêtements qui expulsent l’humidité tout en isolant du froid, ce que ma couche de base Rab a accompli à merveille, en combinaison avec une couche intermédiaire et un manteau en duvet. C’était la première fois que j’essayais des pantalons en duvet aussi. Tout est dans la superposition des couches. Ces montagnes seraient inaccessibles sans le bon équipement.
Les vêtements sont une chose, mais il y a aussi la question du campement. Nous nous sommes installés au pied de la montagne, près du lac. La couverture de neige était impressionnante, à près de quatre mètres. Ma tente est faite pour supporter des conditions rigoureuses, mais j’ai appris un concept clé avec le groupe, qui est valide peu importe la qualité de l’abri: il ne faut pas toucher les parois durant la nuit! Sans quoi, la condensation va envahir l’espace.
Pour notre premier repas, on a cuit du crabe local sur le feu. On a creusé notre cuisine dans la neige; un trou de près de deux mètres, assez grand pour accueillir une table de 20 personnes. Assis sur des bancs de neige (littéralement), on mangeait au son de la bâche qui battait au vent au-dessus de nos têtes. Je me disais que quand on est déterminé, tout est possible. Et il y a des récompenses pour avoir composé avec de telles conditions: le soir venu, le ciel s’est constellé de plus d’étoiles que je n’en avais jamais vues.
Huit heures de chacune des deux journées de l’expédition ont été passées dans la montagne. Un terrain de jeu exigeant. Un bon endroit pour se rappeler comment exécuter une belle conversion - kick turn pour les intimes. Nos guides expérimentés partaient explorer différents corridors, à la recherche de la meilleure neige, et puis nous étions gâtés avec une multitude d’options de descentes immaculées. Un des endroits les plus intéressants que j’ai vus était un plateau, haut dans les montagnes, pas loin du mont Jacques-Cartier. On aurait dit un désert, avec des sapins centenaires couverts de neige plutôt que des cactus. En regardant le paysage s’étaler loin devant, complètement absorbé par la vue, je me sentais réellement spécial et chanceux de vivre ce moment.
Que ça nous plaise ou non, l’hiver nous définit. Son froid et ses précipitations font de nous des personnes qui se réfugient à l’intérieur en attente de températures plus clémentes… ou qui jouent d’audace et repoussent leurs limites en plein air, à la recherche de la poudreuse la plus fraîche, de vues imprenables en montagne, et des expériences les plus rares.
C’est un privilège de pouvoir ainsi partir explorer, et les enseignements de nos guides et des employés du parc nous ont également rappelé d’être conscients de la nature environnante. Ces zones ne sont pas souvent visitées, car elles doivent être protégées; pas seulement parce qu’il n’y a que des maniaques d’hiver comme nous qui osent s’y aventurer. Tout bien considéré, s’il y a une chose que j’ai apprise durant ce voyage et des alpinistes avec qui je l’ai passé, c’est de ne jamais laisser l’hiver nous empêcher de nous dépasser. En fait, de voir l’hiver comme une occasion de se dépasser. Quand vous ferez vous-même l’expérience de la magie de ces régions éloignées, vous saurez exactement de quoi je parle.
Q&A
• Depuis combien de temps fais-tu du ski de randonnée?
Une saison, deux voyages.
• Ton moment préféré durant le voyage?
Les descentes! Skier en avril au Québec, sur des pentes extrêmement abruptes avec beaucoup de neige sous un ciel radieux, c’est incroyable.
• Qu’est-ce qui t’a le plus surpris des Mines Madeleine?
La vue étrange et désertique du plateau, haut dans les montagnes, avec ses grands arbres couverts de neige.