L'art de skier lentement

Caleb est un photographe et vidéaste d’aventure basé au Québec. Initié à la caméra dès l’âge de 13 ans, il a développé depuis un goût insatiable pour la montagne. Documenter les aventures qui s’y déroulent est un immense défi, mais pour Caleb, le jeu en vaut toujours la chandelle.

L'art de skier lentement

Louis-Dominic Parizeau, vice-président marketing chez Altitude Sports, est un passionné de tout ce qui touche au plein air. Coureur d’ultra-trail et skieur enthousiaste, il repousse toujours ses limites pour atteindre ce que la nature a de meilleur à offrir, voyageant dans des coins du monde qui échappent à la majorité.

L'art de skier lentement

Rédigé par Stéphanie Major

L'art de skier lentement

«Quelle carte est-ce qu’on devrait utiliser?» La question à Chic Scott me semblait appropriée, en avril dernier, en prévision de notre voyage de trois jours en ski de randonnée dans le parc national de Yoho. 

Sa réponse? «Pas besoin de carte, c’est moi qui ai écrit le guide.» 

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Chic Scott a fait bien plus qu’écrire ce guide. Dans le monde du ski de randonnée, il est un véritable pionnier. Il a passé sa vie dans les montagnes, partout dans le monde, à faire de l’escalade et du ski, et à fonder et organiser des clubs - tout ça en parallèle à l’écriture de ses livres et à son travail comme guide de montagne. 

«Aujourd’hui, des milliers d’entre nous se rendent en montagne. On y délaisse le rythme effréné du quotidien, et on y trouve la beauté et la paix d’esprit. On prend plaisir dans l’effort physique et dans les amitiés créées au fil de nos aventures, et on reconnecte avec la nature. Pour plusieurs parmi nous, c’est ici que la vie prend tout son sens, et c’est comme ça qu’elle mérite d’être vécue.» - Chic Scott 

Sa plus récente aventure est toujours en cours: l’écriture d’un livre sur l’histoire du Club Alpin du Canada (ACC), une organisation sans but lucratif dont la mission est de promouvoir l’amour de la montagne partout au Canada, à travers la pratique de l’alpinisme, de l’escalade et du ski. C’est la volonté d’en savoir plus sur l’ACC et son héritage qui m’amène dans les Rocheuses, où je rencontre Chic pour la première fois au quartier général de l’ACC à Canmore, en Alberta. 

Immédiatement, je suis impressionné par deux choses: l’immensité des montagnes autour, et la présence de Chic. Il est articulé et posé, tout en étant amical et humble. Dernièrement, il joue le rôle d’historien, investissant ses journées dans la recherche et l’écriture au Musée Whyte, à Banff. C’est là qu’il nous montre des archives contenant des lettres et des photos, ainsi que des pièces d’équipement anciennes comme des pics et des pitons (dont plusieurs lui ont appartenus).

Au fil de nos échanges, la discussion passe de l’équipement d’époque à notre séjour au camp Elizabeth Parker, au cœur du parc national de Yoho. Elizabeth Parker, une des fondatrices de l’ACC, était convaincue «qu’il s’agit d’un droit pour les gens d’avoir un accès de base sécuritaire aux endroits les plus reculés, pour prendre une pause de la frénésie de la vie et des centres urbains.» Il faut dire qu’en 1906, quand l’ACC a été fondé, l’accès à la nature était une idée tout à fait révolutionnaire. 

De nos jours, l’ACC offre plus de 50 expériences alpines, incluant des cours et des aventures guidées comme le programme de leadership The North Face, largement subventionné par la marque, qui permet l’entraînement de guides de montagne. L’ACC est aussi responsable de l’entretien du plus grand réseau de refuges en nature en Amérique du Nord. Ceux-ci vont du simple refuge familial en vallée montagneuse aux refuges isolés en hauteurs pour les alpinistes, en passant par des petits paradis de poudreuse comme celui où nous allions loger. 

«Une visite dans l'un des refuges de l’ACC peut changer votre vie. S'asseoir en toute quiétude près du feu crépitant avec ses amis, se raconter des histoires, après une bonne journée à la montagne, c'est magique. C’est une expérience que vous n’oublierez jamais.» - Chic 

Mais d’abord, nous devions nous y rendre.

Après sept heures et douze kilomètres de ski, pour être exact. Chic avait peut-être écrit le guide de cette montagne, mais notre aventure n’aurait pas été possible sans la présence de Ken McDiarmid, qui possède toutes les qualités qu’on puisse espérer d’un guide: instruit, drôle, relax et jamais pris au dépourvu. C’est lui qui aura transporté la majorité de l’équipement qui nous a permis d’être autonomes pendant trois jours, en plus de planifier et de cuisiner nos repas. Sans oublier le vin et la bière, bien sûr! 

Alors que nous nous frayons un chemin à travers un terrain dominé par d’imposantes montagnes, les conditions ne sont pas idéales, mais la journée est paisible. Une légère pluie fait sentir sa présence, et la neige se présente sous la forme d'une base ferme avec un soupçon de croûte. Chic, aujourd'hui âgé de 77 ans, porte un énorme sac à dos. Son rythme est lent, sa respiration lourde, mais son moral est bon. 

Je n’arrive pas à saisir complètement l’ampleur de ce que je vois, alors qu’il plante ses skis dans cette neige ferme. On s’arrête fréquemment pour prendre une pause à ses endroits favoris, et le long trajet nous donne la chance d’absorber la sagesse de Chic Scott, ainsi que les nombreuses histoires qui ont parsèment les montagnes qui nous entourent. «Les vieux sont plus lents, mais ils vont plus loin», nous lâche-t-il. «Le truc, c’est de continuer d’avancer.» 

«L’idée, ce n’est pas d’être dans l’extrême. L’ACC a toujours été le club de l’amateur moyen. Les alpinistes experts ne rejoignent pas un club. Le montagnard du dimanche a besoin qu’on lui montre la voie et qu’on lui offre un peu de sécurité. L’ACC est là pour ça.» - Chic 

«Nous vivons dans un monde qui louange la force, l’excellence et l’accomplissement» continue Chic à l’intérieur du petit chalet en bois rond recouvert de neige. «Mais qu’en est-il des gens ordinaires? Les gens qui veulent simplement vivre leur vie? Ils ne recherchent pas ce dépassement continuel, et vous savez quoi? Le monde n’a rien à faire d’eux». 

Le lendemain, on sort en espérant passer la journée à faire plus de ski de randonnée. On s’habille et on part, mais on réalise rapidement que la poudreuse est difficile à trouver sous la croûte de neige. Après quelques essais infructueux, Chic nous rappelle qu’il y a eu deux décès dans la région, des suites d’avalanches. On évalue nos options en sirotant du thé et au fond de nos tasses, on trouve un peu de la sagesse que Chic nous a léguée. Celle de prendre son temps, d’apprécier la compagnie des personnes et des paysages qui nous entourent, et de ne pas chercher le dépassement à tout prix. On rebrousse donc chemin, pour aller échanger d’autres histoires autour du feu. 

«Nous avons créé une culture qui vénère l’excellence. Beaucoup de gens se sentent exclus parce qu’ils ne sont pas les “meilleurs”. Être dans la moyenne, c'est très bien. La montagne ne fait pas de discrimination. Elle offre la sagesse aux humbles, le calme aux esprits fatigués, et une proximité avec la Terre que l'on ne peut trouver ailleurs que sur ses sommets. Nous sommes tous égaux face à la montagne, et nous avons tous le droit d’apprendre d’elle. C’est ça l’héritage de l’ACC». - Chic Scott 

De dire que c’était un honneur d’explorer les Rocheuses avec Chic serait un euphémisme. Je pense vraiment qu’il avait compris ce qu’est l’inclusion bien avant tout le monde. Quand une opportunité de skier à travers ces paysages enchanteurs nous a échappé, une autre opportunité, peut-être encore meilleure, l’a remplacée. Le temps passé à absorber la sagesse de Chic a été une expérience unique, qui a changé à jamais ma vision de la performance. 

Alors je vous implore de faire la même chose: la prochaine fois que vous vous apprêtez à prendre un risque, prenez une grande respiration, laissez-vous inspirer par ce qui vous entoure et appréciez la nature autour de vous.

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