South Baldface: Skier à l'ombre des Présidentielles

C'est en plein air que Phil est à son meilleur, là où il peut repousser ses limites et mettre ses aptitudes à l'épreuve. En planche à neige, en course ou à vélo, il sait apprécier l'effort physique. Il profite du plein air pour féfléchir, grandir et partager de bons moments. 

South Baldface: Skier à l'ombre des Présidentielles

Beau temps, mauvais temps, du ski de randonnée en hiver à la course sur sentier en été, Lukasz Allepot passe sa vie en montagne. Animé par les rencontres humaines mais surtout par l'aventure, il se passionne également pour le voyage et les grands espaces.

South Baldface: Skier à l'ombre des Présidentielles

Mots par Stéphanie Major, Philippe Giguère et Lukasz Allepot
Images par Sainte-Pax Productions 

South Baldface : Skier à l'ombre des Présidentielles

Les hivers se suivent, mais ne se ressemblent pas. Sous les assauts répétés d’El Niño, celui qu’on vient de traverser s’est révélé… douillet. Confortable. Humide. À Montréal, le mercure n’est jamais descendu en bas de -20 degrés, et la pluie a gâché l’expérience de bien des skieurs. Déjà, ça semble loin des hivers de mon enfance. 

Pour trouver de la neige, en ce début de printemps 2024, il faut bizarrement rouler plein sud, chez nos voisins américains. La destination: le mont Washington, au New Hampshire, théâtre de la « pire météo du monde ». L’objectif : du ski de randonnée dans l’un des plus beaux endroits de la côte est. 

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«This car climbed Mount Washington » 
À moins de 4 heures de route de Montréal, le mont Washington est bien connu des adeptes de plein air. Géant de la côte est, il culmine à 1917 m de haut, et tutoie ses voisins des White Mountains. Le gravir en voiture, c’est facile si vous n’avez pas le vertige. Mais à pied ou en ski, c’est une autre paire de manches. La météo y est très instable ; c’est là qu’ont été enregistrés les vents les plus violents de la planète, à 372 km/h. Même si on ne s’attend pas à ça aujourd’hui, il nous faudra être très prudents. Et surtout, vérifier les conditions de neige et les bulletins d’avalanches. 

Avec mes compagnons de ski, Émile, Fred et Phil, on part de Shefford par un bel après-midi du mois de mars. La route qui s’étire depuis la frontière québécoise, en serpentant à travers les montagnes du Vermont, est de toute beauté. Fred est au volant, et je laisse mon regard voguer sur les alentours, sur ces bois enneigés qui s’étendent à perte de vue. 

Notre chalet est une rustique cabane de bois rond, située aux abords de la rivière Ellis, près de Jackson, NH. En arrivant, on regarde les conditions pour le lendemain, et le verdict tombe : ce sera impossible de skier le mont Washington. La zone est à haut risque d’avalanche, et il y en a eu plusieurs dans les dernières semaines. On a beau avoir notre matériel (sonde, pelle, et DVA), on ne tient pas vraiment à s’en servir. La sécurité en montagne n’est pas une chose à prendre à la légère. 

Ça fait partie d’la game, comme on dit. C’est aussi de plus en plus vrai : avec les hivers plus doux, les écarts de température plus prononcés, et les extrêmes plus fréquents, il n’est pas rare de devoir changer ses plans à la dernière minute. Comme il n’est pas rare de devoir aller chercher la neige de plus en plus loin. 

Prise deux : South Baldface 
On jette notre dévolu sur South Baldface, pas très loin d’ici, une excellente option lorsque les conditions sont trop dangereuses au mont Washington. Ça fait longtemps que ce spot est connu des adeptes de ski de randonnée, et les sous-bois ont été bien aménagés dans les dernières années afin de prolonger les descentes. 

Côté difficulté, c’est un peu plus accessible que le mont Washington. Selon le niveau des skieurs et planchistes, ça prend environ la journée pour monter et descendre. Malgré notre déception de ne pas s’en tenir à notre plan initial, c’est une belle montagne qui fait changement des autres que j’ai l’habitude de faire sur la côte est américaine. 

Les fibres synthétiques? Un indispensable! 
Réveil vers 5 heures. La matinée est belle, il fait assez chaud, et on commence à préparer nos affaires en vue du départ. Malgré le temps clément, il faut absolument prévoir des vêtements pour toutes les éventualités, surtout qu’il risque de venter assez fort au-delà de la limite forestière. 

Nos essentiels pour une telle aventure de ski de rando : des chaussettes de mérinos pas trop épaisses, un molleton respirant, une couche en fibres synthétiques (beaucoup plus efficace que le duvet sous de telles conditions, puisqu’elle garde sa chaleur même une fois mouillée), une coquille contre le vent, un équipement d’avalanche, et des collations. J’amène aussi toujours un manteau extra pour les changements de température - très fréquents en montagne. 

Mon morceau préféré, et un indispensable pour une aventure de ce genre, c’est vraiment mon manteau à capuchon Casaval Summit Series de The North Face. Ultratechnique, il a la particularité de ne pas avoir de coutures aux épaules, et quand on porte un lourd sac à dos pendant des heures, croyez-moi, ça fait toute la différence. 

Gare aux ruisseaux 
On gare notre voiture au bord de la route 113. Après avoir vérifié notre matériel une dernière fois, on entre dans les bois en suivant le sentier. L’approche se fait sur quatre kilomètres de terrain presque plat, l’idéal pour réchauffer ses muscles avant l’ascension. Autour de nous, Baldface déploie ses charmes. Le soleil s’infiltre à travers le sous-bois, et le vent siffle doucement dans les conifères dépourvus de givre. Mis à part le glissement de nos skis contre la neige et le murmure des quelques ruisseaux à traverser (il faut rester très prudent pour ne pas tomber dans l’eau), c’est le calme plat. 

Dès qu’on arrive au pied de la montagne, l’exercice est un peu plus sportif. Mais on ne fait pas trop attention à la fatigue, puisque dès qu’on monte, le paysage typique de la côte est américaine se révèle sous nos yeux. Après une dizaine de kilomètres, les arbres commencent à se clairsemer de plus en plus. On approche du sommet. South Baldface n’est pas si haut, à peine plus de mille mètres, mais son sommet dégarni nous offre une vue à 360 degrés sur la nature environnante. Les White Mountains ondulent à travers la plaine, et je dois plisser les yeux pour apercevoir l’horizon, tant le ciel est bleu. 

On s’autorise une petite collation avant d’entamer la descente. Émile, notre photographe, a emporté une vieille caméra de type 16 mm. On est donc fins prêts à prendre de belles images rétro de nos prouesses athlétiques. 

« Je pense que j’ai brisé ma fixation » 
On s’élance. Il s’est à peine écoulé une minute qu’un cri retentit : Émile a brisé sa fixation. Pas le choix de s’arrêter. C’était une toute petite chute, ridiculement banale, mais ça a suffi pour mettre à mal un équipement déjà usé… et compromettre le reste de notre périple. On fixe son ski sur son sac à dos. C’est assez réussi, mais ça veut dire qu’Émile n’a pas le choix de descendre à un ski, caméra à la main, dans l’espoir de réussir à capturer quand même quelques clichés. Je suis assez optimiste, et il semble se débrouiller. Fred, par contre, est un peu moins confiant ; il ne cesse de regarder le soleil qui semble toujours descendre de plus en plus vite à l’horizon. Je crois qu’il n’a vraiment pas envie de skier dans le noir, et franchement, moi non plus ! Il commence en effet à se faire tard, et il nous reste de longs kilomètres avant de retrouver notre van. On ne peut pas se permettre de perdre plus de temps. 

La descente se poursuit, et la montagne s’ouvre à nous. C’est un véritable terrain de jeu. Dans l’est, il faut savoir que les conditions de ski sont très variables au printemps. La neige est souvent légère en matinée, puis elle se réchauffe rapidement vers midi et devient très dure plus tard dans la journée. Plus on descend, plus la qualité de la neige varie. Mais pour moi, c’est ce qui fait tout le charme d’une montagne comme South Baldface. Le fait d’avoir un sommet chauve nous donne aussi un terrain dégagé et une multitude de possibilités pour choisir notre descente. Cela nous permet de tester nos habiletés d’une manière complètement différente. 

Rien ne vaut l’expérience 
Ce n’était pas le voyage escompté. À la fin de la descente, il a fallu attacher la fixation d’Émile sur sa botte avec une sangle - il n’allait quand même pas faire 13 km sur un seul ski. Mais c’est là où l’expérience des skieurs entre véritablement en jeu. Il peut arriver n’importe quoi. C’est la montagne qui décide de tout, des conditions de la neige à la météo qui change en plein milieu de notre aventure. Et c’est à nous de s’adapter. 

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