Elora Braden est une cinéaste et photographe basée à Golden, en Colombie-Britannique. Ses œuvres donnent une voix aux histoires qui viennent du cœur. On la retrouve habituellement au sommet d’une montagne ou dans un espace vert où l’aventure l’appelle. Sa passion : mettre en scène des marques à l’aide des histoires vraies de ceux qui les utilisent.

Marie-Pierre Paradis-Claes, Gestionnaire de contenu éditorial, s'intéresse aux gens qui posent des gestes au quotidien afin de protéger la nature. Elle se sent mieux dehors, en montagne, en pratiquant ses activités favorites comme le ski alpin et la randonnée.

Texte: Stéphanie Major, rédactrice chez Altitude Sports

Myia Antone et la réappropriation du territoire squamish

Marie-Pierre Paradis-Claes, gestionnaire de contenu éditorial chez Altitude Sports, a partagé pendant quelques jours le quotidien de Myia Antone, de la nation squamish, au milieu des montagnes de la Colombie-Britannique. Entre rituels millénaires et ski de randonnée, elles discutent de la place des Premières Nations dans le monde du plein air. Récit d’une aventure tournée vers l’avenir.    

Les flocons tombent autour de nous dans une infinie lenteur. Couverts de neige, les montagnes et les conifères se fondent dans l’immensité, au milieu d’un paysage digne des premières forêts du monde. 

« Peux-tu imaginer à quel point c’était différent avant que ça ne devienne un lieu de villégiature? »

Je lève les yeux vers Myia, ma compagne de voyage pour le week-end. J’essaie de me représenter un monde radicalement différent, où l’homme ne fait qu’un avec la Nature. Un monde où l’on occupe le territoire de façon organique. C’est ici le pays des Squamish, après tout. Et leur vision, à des lieues de celle que j’avais avant d'atterrir ici, mérite d’être racontée.

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Vancouver, 9h du matin.

Je viens rencontrer la nation Squamish (Sḵwx̱wú7mesh en langue originelle). Plus précisément, j’ai rendez-vous avec Myia Antone, 26 ans, skieuse, étudiante et enseignante de la langue squamish, ambassadrice chez The North Face et fondatrice d’Indigenous Women Outdoors (IWO), qui sera ma guide pour quelques jours. Ensemble, nous partirons pour les montagnes, celles qu’elle arpente depuis toujours, et celles que ses ancêtres arpentaient des milliers d’années auparavant. À travers le ski de randonnée, elle me fera découvrir son rapport à la nature, et la manière dont elle inspire sa communauté à reprendre possession du territoire.

La route qui mène de Vancouver à Squamish est vertigineuse. À droite, des falaises escarpées et une nuée de conifères d’un vert sombre. À gauche, un horizon d’un bleu infini qui plonge dans la mer plein ouest. L’air du large est vif et légèrement iodé, et en laissant mon regard se porter vers les confins du monde, je commence à mieux respirer. À laisser ma nervosité derrière, et à voir d’un œil nouveau ma rencontre avec un peuple qui vit ici depuis des millénaires. 

À mesure que je roule vers le nord, laissant défiler la Sea to Sky au rythme des kilomètres, la nature domine de plus en plus. C’est ici, au cœur des montagnes, que je fais enfin connaissance avec Myia. 

« Bienvenue à Sḵwx̱wú7mesh! », me lance-t-elle alors que je descends de la voiture. Un large sourire aux lèvres, les yeux rieurs, elle inspire une sérénité apaisante. Échanger quelques mots avec elle suffit pour me rassurer quant à l’aventure qui m’attend. Moi qui ne suis habituée qu’à skier dans les montagnes de l’est du pays, me voici dans les vraies montagnes, celles qui tutoient le ciel. 

On enfile nos tenues de ski, gracieuseté de The North Face, qui soutient Myia dans ses aventures. Je lève les yeux vers le sommet, que je distingue à peine à travers le voile de nuages qui ondulent autour de nous. Bientôt, ma compagne décidera de notre route, et nous disparaîtrons entre les arbres. 

Ça fait deux ans seulement que Myia pratique le ski de randonnée. Elle n’a pas grandi avec ça. D’ailleurs, elle explique que les Premières Nations ne sont pas reconnues pour leur pratique des activités de plein air. Enfin, pas de la manière où nous l’entendons. La performance, les sports extrêmes, l’adrénaline… Ce n’est pas leur vision du rapport à la nature. Et bien souvent, elles n’en ont tout simplement pas les moyens. « Je ne veux pas utiliser la nature comme moyen d’échapper à ma vie quotidienne, me confie Myia, alors que nous montons dans le silence glacé de la montagne. Au contraire: ma place, la place de mon peuple, elle est ici, tous les jours, dans ce territoire. » 

Malgré tout, elle voit dans le ski une manière de se réapproprier, justement, ce territoire. De le faire découvrir à sa famille et aux communautés du coin. « Je voulais créer un espace sécuritaire, propice à l’apprentissage, où l’on pourrait s’ouvrir sur le monde tout en faisant vivre nos traditions. » De cette idée est né Indigenous Women Outdoors, un groupe qui permet aux fxmmes* autochtones de reconnecter avec la nature à travers les sports de plein air, le tout dans un contexte éducatif. 


*Le terme «fxmme» est utilisé pour inclure tout le monde qui s’identifie comme femme, à savoir les femmes, les femmes transgenres, les femmes de couleur et les individus non binaires.

« Avant de descendre, on partage nos histoires, celles de nos familles et de nos ancêtres, me dit Myia. » L’initiative, soutenue financièrement par The North Face, donne la possibilité aux communautés de découvrir leur propre territoire à travers des activités qu’elles n’ont souvent jamais pratiquées. La marque américaine fait également don de vêtements techniques afin de mieux profiter des aléas d’une météo montagneuse plus qu’imprévisible.

Ainsi, IWO se veut un espace entre traditions et modernité. Parce que si Myia utilise un sport foncièrement moderne et occidental, elle le fait de façon teintée par ses racines autochtones. Ici, la performance, on n’en a cure. On prend le temps de s’arrêter, d’écouter, de respirer. De prendre conscience du caractère sacré de ce qui nous entoure. Et aujourd’hui, alors que je me trouve assise avec elle en retrait des frontières de Blackcomb, mes skis qui traînent à côté, je saisis l’importance de ses paroles. Pour Myia, ses ancêtres sont toujours ici. La terre, les êtres vivants, passés ou futurs, tout est connecté. « Je me chuchote à moi-même en Sḵwx̱wú7mesh sníchim (la langue squamish) lorsque je grimpe la montagne, m’explique-t-elle. C’est ma manière de reconnecter avec mes ancêtres, de sentir qu’ils sont encore là, dans ce territoire que l’on occupe depuis toujours. » La langue, c’est l’outil d’une culture. C’est l’âme de tout un peuple. Transmettre l’amour de la langue squamish, pour Myia, c’est aussi nécessaire à la survie. À la guérison.


L’occupation de leur propre territoire, également, est primordiale. Avec IWO, Myia décolonise la pratique du plein air en donnant l’opportunité aux femmes autochtones d’essayer le sport et de s’épanouir. Elle croit fermement qu’elles pourront apporter leurs connaissances ancestrales dans l’industrie et qu'elles feront - enfin - partie de la discussion. 

C’est le cœur gros que je quitte les montagnes pour rentrer au Québec. L’expérience vécue avec Myia me donne pourtant envie de rêver d’un monde meilleur, plus ouvert, où la voix des poètes et des ancêtres se joignent à celles de tous ceux qui militent pour le changement. Indigenous Women Outdoors, heureusement, propose un modèle facile à reproduire. 

Je nous souhaite de faire un effort collectif en tant que consommateurs, afin de reconnaître la place partagée que l'on occupe sur nos montagnes. Ces discussions, je l'espère, permettront à d'autres communautés autochtones à travers le pays de s'épanouir elles aussi en plein air et jouer dehors, tout simplement.

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