«The road is back open guys!» Enfin, on nous laisse passer après 30 minutes d’attente. C’est au son des détonations de TNT, qui déclenchent préventivement les avalanches, que le pick-up se remet en route. Assis dans la boîte à l’arrière du camion, nos skis à nos côtés, on attend patiemment d’être reconduit dans la vallée, prêts pour une autre ascension. Mais la nature en a décidé autrement, l’aventure a pris fin abruptement quand une avalanche a balayé la route pour nous bloquer la voie. On passe devant les chasse-neiges qui dégagent la dernière coulée. Autour de nous, les congères forment des murs de neige plus hauts que les camions. 

Pourtant la journée s’annonçait parfaite, 80 centimètres étaient tombés dans les deux derniers jours. Un peu plus tôt, un guide de ski nous a conduits jusqu’au col des Red Mountains, ici dans les montagnes San Juan du Colorado. 

Après la descente, un local nous a embarqués à l’arrière de son camion, c’est qu’on a skié plus bas que prévu; impossible de s’arrêter, la neige était trop belle pour ne pas en profiter le plus longtemps possible. 

On admire nos traces qui sillonnent le haut de la montagne et s’engouffrent à travers les pins. Je revis les plus beaux virages de ma vie, ceux qui renvoient la neige par-dessus la tête, qui nous rendent aveugles quelques secondes et nous remplissent le casque de bonheur!

Mais on voit aussi les nombreuses coulées d’avalanches, larges de plusieurs dizaines de mètres. C’est comme un rappel à l’ordre que les choses peuvent virer au drame d’une seconde à l’autre. Deux semaines plus tôt, un skieur est décédé sur une des faces des Red Mountains, notre terrain de jeux.

Le Dealer Ski Camp Black Diamond se mérite: 36h de voyage et 3 avions… Après un premier avion raté à Montréal, une connexion retardée à Chicago, un vol annulé et une courte nuit sur le sol glacé de la porte B86 de l’aéroport de Denver, on y est! Épuisés, mais tellement excités. 

La tempête monstre qui s’abattait sur le Colorado a rendu les choses difficiles. L’hiver 2019 a vu des chutes de neige record dans la région. C’est parfait pour ce qu’on va faire: du ski de haute route à près de 3350 mètres d’altitude avec pour camp de base le Red Mountain Alpine Lodge, un magnifique chalet rustique. On s’attend à des conditions de neige épiques, mais pas aux avalanches qui en ont découlé. 

 Le soleil se couche tranquillement derrière les montagnes et une douce lueur rose-orangé nous accueille au chalet. On reprend des forces après le voyage: fondue, charcuterie et autres petits légumes pour l’apéro. C’est l’heure de parler de ce pour quoi on est tous rassemblés ici, par l’une des tempêtes de neige les plus importantes des dernières années. En plus de skier dans des conditions de neige qu’on espère exceptionnelles, on est là pour essayer le nouveau matériel de Black Diamond – skis, fixations, sacs, équipements de sécurité – et donner nos impressions aux ingénieurs en conception de produits. 

Depuis ses débuts, Black Diamond est experte dans deux activités: le ski et l’escalade. Ce qui a commencé avec une enclume et un marteau au fond d’un garage s’est transformé en une entreprise d’envergure mondiale dont les fondateurs sont des passionnés de roche, de neige et de glace. La marque est reconnue pour son équipement et ses vêtements novateurs par les plus fervants du sport. Notre voyage au Colorado avec d’autres détaillants est la preuve de l’engagement de Black Diamond à tester ses produits dans des conditions rigoureuses. 

En planifiant notre journée du lendemain, les guides nous annoncent que les conditions sont exceptionnellement bonnes, mais aussi exceptionnellement dangereuses. Les avalanches sont devenues un défi quotidien depuis plusieurs semaines à cause de la neige qui s’abat constamment sur les montagnes. Nate Disser, propriétaire de la compagnie de guide, nous explique les dangers du terrain dans lequel on s’aventurera demain et la vigilance extrême dont nous devrons faire preuve.

La première nuit aura été courte et pas aussi réparatrice qu’espérée. On prend des forces avec un petit déjeuner copieux avant de «rencontrer» nos spatules pour la journée. Je mets les peaux, clippe les bottes, vérifie mon sac à dos Dawn Patrol pour ne rien avoir oublié de précieux comme mes chocolats pralinés et c’est parti.

Aujourd’hui c’est Sheldon Kerr, notre guide locale, qui accompagnera jusqu’en haut pour veiller à notre sécurité. Elle s’installe à une vingtaine de mètres de nous et nous passons un à un devant elle pour vérifier que nos DVA (détecteur de victimes d’avalanches) soient bien fonctionnels. Interdiction absolue de partir sans l’essentiel: un DVA, une pelle et une sonde. Par chance, Black Diamond est probablement la marque qui fabrique le meilleur matériel sur le marché.

En ski de haute route, on évite de dépenser de l’énergie inutilement en faisant glisser le pied à terre lorsqu’on le ramène de l’arrière vers l’avant. Rien de sert de soulever le poids du ski et de la botte. Aujourd’hui, c’est plus que nécessaire que je m’y applique, la fatigue accumulée et le manque de souffle dus à l’altitude me rendent la vie dure. Mais rien ne viendra gâcher le plaisir d’une magnifique journée ensoleillée de ski. C’est comme si la nature avait décidé de nous donner un répit et de nous faire profiter pleinement de son oeuvre enneigée. 

En sortant de la limite des arbres autour de 3700 m, le ciel se dégage complètement et nous laisse contempler les montagnes environnantes. Leurs sommets semblent si proches, même s’ils sont en réalité si loin. Les cirques montagneux sont invitants par leur beauté, repoussants par leur grande dangerosité. Ces faces sublimes m’appellent, impossible de ne pas avoir envie d’y mettre les spatules. Mais aujourd’hui nous n’irons pas, les DVA ne nous permettent pas d’éviter les avalanches, mais juste de retrouver un corps enseveli. Le risque n’en vaut pas la chandelle. 

Le ciel est bleu, le soleil est haut, mais le vent glacé nous congèle rapidement. Je rajoute une couche chaude sous mon manteau imper-respirant Recon Stretch, je change mes gants légers pour une paire plus chaude et remonte les glissières de mon pantalon. Une fois les peaux enlevées, on s’élance un par un dans la pente abrupte. Jamais à deux en même temps sur la même face, les yeux toujours rivés sur celui qui descend, au cas où il soit pris dans une avalanche. 

C’est mon tour. J’attrape la radio: «Droppin’ in 10!». Les jambes alourdies de la montée se transforment aussitôt en ressorts. Elles oublient la fatigue pour les 15 prochaines minutes et rebondissent à chaque virage comme un métronome, envoyant toute cette poudre blanche par-dessus mes épaules. Je rejoins le groupe qui s’est mis à l’abri sur une butte. C’est l’exaltation d’une descente magique dont on parlera toute la soirée en dégustant une bière de microbrasserie et des lasagnes de canard. 

Avant de repartir, l’équipe nous réunit une dernière fois. Les ingénieurs produits prennent des notes pendant qu’on leur donne nos commentaires sur les prototypes et produits pre-prod essayés. Mais aussi, ils veulent tout savoir des retours clients qu’on peut avoir en magasin avec comme seul but: améliorer l’équipement. 

J’ai découvert une équipe dévouée à ne produire que les meilleurs produits et guidée par leur passion du sport qu’ils pratiquent tous à un haut niveau. Garret, un ingénieur au développement, skiait mieux que n’importe qui. Il développe des skis pour nous, mais surtout pour lui. À mes yeux, c’est ça l’ADN Black Diamond.

Lors de ce voyage, le mot d’ordre était à la sécurité. On y a testé de l’équipement d’avalanche, mais heureusement, on a pas eu à s’en servir. Outre les skis, c’est les vêtements que je portais qui ont le plus servi mon plaisir. Peu de compagnies sont capables de concevoir des vêtements performants en haute altitude. Le voyage en aura valu l’épuisement, et je repars avec le souvenir des meilleures descentes de ma vie. Black Diamond a encore une fois su prouver sa valeur, établissant les plus hauts standards pour les amateurs, mais croyez-moi… c’est avant tout pour eux qu’ils font ce qu’ils font.

 

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